Françoise TOMENO
6 octobre
Faire la pause au bistrot. Sur la
place. Sur une des places. Elles sont nombreuses, les places de Barcelone, où
l’on peut s’installer, déguster un verre de blanc, une sangria qui vous achève
après la journée passée à crapahuter, à ascensionner la colline qui mène à la
Fondation Miro, celle qui conduit au parc de Guëll. Petites ou grandes, les
places sont là, telles les cases vides du jeu de pouse-pousse dont je vous
parlais il n’y a pas si longtemps.
La pause alors est gigogne. Pause
à Barcelone, pause sur la place, pause dans l’espace ouvert de la terrasse du bistrot, pause
dans la tête.
Il y a la plaça Real, la grande
place, dont on peut faire le tour en allant de bistrot en bistrot, il n’y a que ça tout
autour. Si vous faites ainsi, cela risque de vous être fatal, ou alors il vous
faudra prendre de l’eau, ce qui fait très mauvais genre en ce lieu. D’autant
que vous ne résisterez pas aux tapas, passage obligé, qui vient vite remplir la
case qui aurait du rester un espace ouvert. La pause en ce cas vous rapportera
quelque kilos de plus, damned ! Pas de manque…
Il y a les petites places
découvertes au hasard. Le premier jour, on les aura entrevues (et convoitées)
derrière un rideau de pluie. Promesse d’un lendemain ensoleillé, et de cette
fameuse pause espérée. Les jours qui suivront seront à la hauteur de
l’espérance. Le nez au vent, après avoir choppé au passage des petits trésors
cachés qui, telles des lucioles dans la ville (1),
feront la nique à Gaudi. Gaudi quand même, Miro bien sûr, pas assez de temps
pour Picasso, ce sera pour une autre fois, et Lluis Domènech i Montaner, l’architecte
du palais de la musique catalane (2), palais qui fut aussi un lieu de résistance au
fascisme.
Un rêve, faire l’aller-retour juste pour aller écouter un concert dans la belle
salle à l’extraordinaire acoustique .
Mais je m’égare. Excusez-moi,
c’est la musique. Ca me fait toujours ça.
J’en étais aux petites places,
ouvertures sur la pause. Choix du bistrot, un détail emportant la décision (des
tables moins sophistiquées que d’autres, par exemple). Dans cet espace qui
s’offre, ouvrir un temps pour la rêverie, pour le regard qui flâne, en quête de
luciole, en quête de rien, en quête de repos.
Je pense aux signes de
respiration de la musique. Il y a les pauses justement, les demi-pauses. Il y a
aussi les soupirs, les demi
soupirs ; c’est beau, non ? Il y a même les quarts de soupirs, les
huitièmes de soupirs, les seizièmes de soupirs. Il y en a vraiment pour tous
les goûts, toutes les occasions.
Mais je m’égare à nouveau.
Quoique, je file ma métaphore de
la case vide du pousse-pousse….
Il m’arrive de l’oublier,
celle-là . En cas d’alerte, de manque de respiration, je me rappelle
Barcelone, la place, le bistrot, la rêverie, le rien, le repos.
Je m’éclipse sur la pointe des
pieds, vous laissant à votre rien, votre repos, vos flâneries de l’âme.
Excusez-moi si je vous ai un peu dérangés…