Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

19 juin 2013

Appelez-moi Françoise

Françoise Tomeno
19 juin 2013

À force, on finit par connaître les prénoms des uns et ceux des autres. Pour autant, on n'ose pas forcément les appeler, les uns et les autres, par leurs prénoms; cela voudrait dire que l'on se considère comme l'un de leurs familiers. 

À partir de quand passe-t-on, dans un bistrot, du statut d'habitué à celui de familier? À partir de quand fait-on partie de cette petite famille du quartier?

J'avais entendu son prénom comme celui de quelques autres. Un peu en retrait, elle m'adressait un bonjour intimidé et discret. Elle conversait avec ces quelques autres de façon familière. 
Son prénom était celui que mes parents avaient eu l'intention de me donner à ma naissance. L'histoire familiale en avait décidé autrement. Cette proximité du prénom me la rendait familière. 

Laquelle des deux a franchi le pas la première? Je crois que c'est elle, qui avait entendu que je donnais du Gaston à l'un, du Raymonde à l'autre. Un jour, toujours un peu lointaine et timide, je l'entends me dire "Bonjour Françoise".

Émotion, coeur d'artichaut, il faut vous y faire, je suis comme ça.

Par la suite, j'irai vers elle et l'appellerai par ce prénom qui aurait pu être le mien.

Depuis, il y a eu suffisamment de proximité pour que j'aie pu lui demander des nouvelles de Raymonde qui avait été hospitalisé pour une opération.

La discrétion reste de mise.

Ca va être sa fête

Françoise Tomeno
19 juin 2013

"Je peux prendre ça?" dit-elle.
"Ca", c'est une sorte de grand tableau double où l'on inscrit habituellement, dans ce bistrot, ce qui est destiné aux enfants le mercredi, jour qui leur est réservé, jour sans alcool.

Nous ne sommes pas mercredi. Que se passe-t-il? Une voix, du comptoir, répond que oui, elle peut prendre ça.

Elle prend ça, l'installe sur le trottoir à l'entrée de la terrasse. Je bois mon café à l'intérieur.

Lorsque je sors, je lis ce qui a été écrit par elle sur ça: "Bonne fête André".

Eh! C'est la Saint André. C'est André qui va être content de cette belle attention.

La vie vous a de ces façons.

18 juin 2013

À Bordeaux


Au cent quatre, Paris.


Tout simplement, pour rien, pour le plaisir

Aller au bistrot tout simplement, pour rien, pour le plaisir.

J'avais fini par me faire une quasi obligation de vous offrir une à deux chroniques par semaine. Une véritable petite entreprise de production de chroniques. Quel en était l'employeur imaginaire? Vous, dont j'étais en quelque sorte "l'obligée", comme on disait autrefois? Moi-même, menant ma petite auto-entreprise, façon libéralisme, où l'on doit faire fructifier son "capital humain", fût-il celui de l'écriture?

Retrouver le plaisir du "pour rien", simplement aller boire un café, se reposer, travailler. Ne plus être à l'affût, ne plus guetter les petites choses de la vie qui alimentaient ces chroniques. Pour autant, les laisser venir. Ne pas forcément les noter. Laisser faire la vie.

C'est ainsi qu'à la faveur de ce changement, j'ai pu me trouver à la rencontre de l'un, de l'une, ou de l'autre, un peu plus près. Je n'étais plus déjà-le-stylo-à-la-main-dans-ma-tête, pensant plus à ce que j'allais pouvoir écrire qu'à ce qui se jouait de l'un à l'autre, mais j'étais là, simplement. Alors les conversations se sont faites plus chaleureuses, plus proches, en restant dans la décence des connaissances de bistrot. Nous faisions connaissance. Cette connaissance a son coût: je ne peux plus publier une écriture concernant l'un ou l'autre de celles et de ceux qui me sont devenus plus proches. Respect pour leurs intimités. Et c'est bien comme ça, la vie n'est pas dans l'écriture, mais sur sa scène à elle.

Au passage, au cours de ce passage, des petites scènes se sont révélées cependant. Elles sont en réserve, prêtes à être écrites.

Chers habitués, vous ne vous apercevrez peut-être pas du changement. Pour moi, il a déjà eu lieu.
Je vous salue,
Françoise Tomeno
18 juin 2013