Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

03 décembre 2018

RAPIDO


Ce lundi 3 décembre 2018, dans le bistrot d'un quartier excentré d'une grande ville de province. 

Les patrons ont remisé BFM TV et nous avons droit à des clips. Histoire sans doute de n'en pas faire, d'histoires, tout le monde n'est pas forcément du même avis, dans le bistrot, dans le quartier, sur ce qui se passe dans le pays en ce moment.

Deux ouvriers se sont installés au comptoir, avec leurs gilets de sécurité. Un client, l'air de rien: "ils sont là, les gilets jaunes".

Quelques minutes plus tard, on entend, entonné par une jeune homme: "Aux Champs Élysées, aux champs Élysées..."

À l'autre bout de la salle, sans lever les yeux de son Rapido, un homme plus âgé: "à midi ou à minuit..."

L'atmosphère reste en suspension... 

Comme nous tous en ce moment.

Rapido, monsieur Macron, rapido, on ne va pas rester longtemps suspendus 
comme ça.

23 janvier 2018

Chu, déchu! Déçue?

23 janvier 2018

L'ange avait donc décidé de s'installer sur terre*.
Histoire de m'ouvrir la porte de l'ascenseur et de boire des bières au bistrot.

Il est à nouveau là, au comptoir. Il boit un café, ma foi.

Cette fois, je vais le saluer, "voisin", lui dis-je.
Nous papotons. Il vient souvent boire son café ici avant d'aller travailler.

"Et qu'est-ce que vous faites comme travail?",
Il me raconte, des petits boulots, en attendant la réalisation d'un projet sympathique.
Moi: "J'aime bien aussi venir ici. J'aime bien ce quartier".
L'ange: "Oui, enfin!... Il y a de drôles de gens aussi...."

Oh la la! raciste, l'ange?

"Avec ce qu'on leur apprend à l'école..."
"???..."
" Cette nouvelle éducation sexuelle, on ne sait plus qui est qui".

Aïe aïe aïe! C'était donc ça. 
L'ange a chu, il est tombé bien bas. 


* Voir la chronique du 6 janvier dernier.

Quand je vous vois, ça me met de bonne humeur!

Françoise Tomeno
23 janvier 2018

"Quand je vous vois, ça me met de bonne humeur!".

Certes, cher camarade de bistrot.

Mais ce matin, vous êtes arrivé vous-même dans un bel élan, souriant. 
Toujours muni sur le haut de votre personne de cette casquette dont vous n'avez cependant pas le monopole en ces lieux. 
Vous avez alors adressé à la patronne un "bonjour madame" qui ressemblait à un bonjour adressé à la cantonade dont je faisais partie.

Vous me vîtes alors, sur votre trajet en direction du comptoir où vous attendait la patronne.
Vous avez légèrement infléchi votre trajectoire vers votre droite et m'avez tendu une main elle-même déjà très souriante.

Alors, je veux bien que mon sourire vous mette de bonne humeur, mais je vous retourne le compliment.
Si vous le permettez.

06 janvier 2018

Un ange est passé

Françoise Tomeno
6 janvier 2018

Ce jour-là, je l'ai vu accoudé au comptoir du bistrot du quartier. 
C'était inattendu. 
C'était inattendu parce que je croyais que c'était un ange.

La première fois, je l'avais rencontré dans l'ascenseur. Je rentrais chez moi. Il m'avait galamment ouvert la porte. Il avait programmé le deuxième étage, moi le troisième.

Il avait regardé sa montre, il avait dit: "Il est midi".
Je l'avais regardé, il était immensément grand. En le regardant, je me sentais comme une toute petite fille.
Après quelques secondes, il avait ajouté: "Le temps! Il est maître de tout".
Je m'étais entendue lui répondre: "Jusqu'à la dernière minute".
Je pensais à ma soeur qui venait de mourir.

Quelques secondes s'étaient écoulées de nouveau. 

Il avait repris: "De la première minute à la dernière minute...

j'étais suspendue à ce qu'il allait dire

...il n'y a qu'un battement de cils".

Nous arrivions au deuxième étage, nous nous sommes souhaité bon appétit.

Nous étions le dimanche de Pâques. 
J'ai pensé à ma soeur qui venait de fermer les yeux. Je me suis dit que c'était l'ange de Pâques qui me faisait cadeau de cette phrase magnifique.

Quelques temps plus tard, j'entrais cette fois dans le parking, je l'ai vu qui s'en allait vers sa voiture. Ou bien sa moto. 
J'ai cru tomber à la renverse. Sur le dos de son blouson, son blouson de motard, il y avait deux grandes ailes qui se déployaient.

Un ange passait de  nouveau.

Alors vous imaginez bien que ce jour-là, c'est-à dire quelques mois plus tard, lorsque je l'ai vu en train de boire une bière au bistrot, j'ai été drôlement surprise!

À moins que...

Mais oui, c'est ça. Vous vous souvenez de Damiel, un des deux anges du si beau film de Wim Wenders, "Les ailes du désir"? Damiel, joué magnifiquement par Bruno Ganz, l'ange qui par amour décide de devenir humain, et donc mortel?

C'était donc ça. L'ange de mon ascenseur était en fait un ange qui avait chu dans notre monde et qui buvait des bières. Et qui savait bien ce que voulait dire "Jusqu'à la dernière minute".

Un battement d'ailes, un battement de cils.
Merci.