Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

02 novembre 2017

Bleu blanc rouge

Françoise Tomeno
2 novembre 2017

Nous commencerons par les pieds.
Bleus les pieds. Enfin, bleues, les chaussures, genre baskets. Bleu marine, excusez du peu.
Des baskets dont les lacets ne se lacent pas, cette mode me laisse toujours rêveuse.
Rouge les lacets, rouge plutôt bordeaux. Tant qu'à faire, dans un bistrot, du bordeaux. 
Et des petites socquettes mettant le bout de leur nez juste au dessus du bord de la chaussure, bleu marine également les petites socquettes.

Au dessus de ce premier étage, enfin de ce quasi sous-sol, un pantalon rouge vif, dessinant deux jambes très fines, presque maigres. Croisées les jambes, croisées direction la droite. 

Troisième étage, une chemise bleu, rouge, blanc. Bleu marine, le rouge du bordeaux, et le blanc de blanc. À peine visible, la chemise, recouverte en grande partie d'un K Way. Bleu azur le K Way. Cet étage là se dirige à gauche, imprimant une torsion au corps.

Au dessus de tout ça, un incroyable visage plissé, ridé, si vous voulez, qui émerge d'une casquette bleu majorelle (oui, ça existe. Et le nom est joli, ne trouvez-vous pas?). Le visage émerge d'un côté de la casquette, et de l'autre côté, une queue de cheval.

Cette dame du quartier, que l'on rencontre ici, au bistrot, ou là, c'est-à dire dans la galerie commerciale, semble à la fois se montrer et se moquer du fait d'être vue. C'est bizarre...

Elle a la métaphore cocardienne. Les jours de grand matchs de foot, genre coupe du Monde (mais il faut que la France soit en jeu), elle arbore des coiffures, enfin des chapeaux, eux aussi incroyables. Une débauche de plumes ou de poils, tout en hauteur, ou un coq, et bien sûr, du bleu, du blanc du rouge. Et fi du majorelle et de l'azur, seule la marine vogue là au-dessus. Ces jours-là, on peut aussi la croiser en ville. 

Et que boit-elle?
Figurez-vous qu'absorbée dans la contemplation de ce tableau haut en couleurs, j'en ai oublié de regarder ce qu'Alex lui avait servi.

À la prochaine.... 




09 septembre 2017

L'orient est rouge?

Françoise Tomeno
9 septembre 2017

Ils arrivent.
Les Chinois arrivent...

"C'est bien aussi, les Chinois", avais-je dit à la dame rencontrée fortuitement sur le trottoir du bistrot, fermé. Elle faisait part de la rumeur. Oui, ça va rouvrir. Il paraît que c'est des chinois, chuchotait-elle, craintive et curieuse à la fois.

Ils sont donc arrivés, dans ce quartier plutôt brun, marron, chocolat, blanc aussi, rose rosé parfois. 
Arrivée du jaune.

Cocasserie des premiers jours.

"Comment on dit "Kafè" en chinois? " demande 
au nouveau jeune patron (qui contre toute attente se fait appeler "Alex"), l'homme blanc, qui a déjà opté pour une prononciation.
Sourires et rires un peu gênés des uns, des autres. 


"Et comment on dit "bonjour" en chinois?" demande un des voisins de l'homme blanc, blanc lui aussi.
"Ni hao" répond un autre.
Ça alors, il connaît le chinois? Il explique, le travail, il y a longtemps.


Arrivée du jeune homme brun, capuche de rigueur. Un habitué. Du temps des anciens patrons.
Et voilà qu'il se balance légèrement d'un pied sur l'autre en avançant. Une démarche bizarre, hésitante en quelque sorte. 

Ça chamboule tout, cette arrivée des Chinois. On ne sait plus comment marcher, comment arriver, comment aborder, comment parler. 

Un homme blanc, habitué d'antan lui aussi, arrive à fière allure. Il a dû déjà faire son entrée sur cette nouvelle scène. Confirmation, il salue le patron "Bonjour Alex, ça va?". Ça alors, déjà familier. Faut ce qui faut, pour l'adoption, on ne lésine pas.
Sur le comptoir trône un de ces chats asiatiques porte bonheur. Vous savez, ces chats dorés qui lèvent la patte gauche. On les voit au moment du Nouvel An asiatique. Là c'est plutôt notre Nouvel An à nous, cadeau des patrons...
L'homme blanc s'est approché du comptoir et fait bouger la patte du chat. Familier, décidément....

Quant à moi, voulant faire mon intéressante, je me situerai résolument du côté des embarrassés.
Je vois sur l'étagère derrière le comptoir, deux objets faits par pliage de tickets de jeu. La patronne d'un autre bistrot, cambodgienne, m'avait fait cadeau d'une corbeille faite selon cette technique extraordinaire, et m'avait expliqué que c'était sa belle soeur qui les faisait.
Je me dis alors que tout le monde se trompe  en pensant que les  nouveaux patrons sont des chinois. En fait, ils doivent être cambodgiens. 
Quand Alex m'apporte le crème que je viens de commander, je lui dis: "Ah c'est chouette ces objets. C'est cambodgien?"
Air interloqué d'Alex. " Euh... Ils étaient là avant, du temps des autres patrons...".
"Blurpss", fais-je dans mon For Intérieur (FI selon Fred Vargas), j'ai perdu une occasion de me taire...

Voilà ce que ça fait, quand  on rajoute une couleur dont on n'a pas l'habitude. On ne sait plus déambuler, on ne sait plus parler, on se met à voir des choses qui sont sous votre nez depuis toujours.

Bon, allez, avec tous ces ratés, ils sont adoptés, nos camarades chinois. Alex et sa jeune femme, le chien, leur tout jeune fils, et le père et la mère de l'un des deux.

Ni hao, bienvenue.




On r'ouvre.....!

Bonjour, 

oui, cela fait longtemps.
Le temps de dire au revoir à quelqu'un qui m'est très chère.
Partie, vite, sans laisser d'adresse fiable.
Le ciel peut-être, il faudra voir.
Déchirures.
Le bistrot, dans tout ça?
Vacant, comme tout le reste pendant tous ces mois.
Vacant de ma présence. 

Parce que lui, le bistrot, il continuait sa vie, ou plutôt, il avait repris sa vie.
Je vous avais dit "Fermé". La Guinguette avait fermé ses volets, comme le dit la chanson.
Ma soeur a fermé les persiennes de ses yeux.

Mais pendant que l'absence se faisait omniprésence, que pour y répondre je m'absentais du monde, de mon petit monde des bistrots que j'aime tant, le bistrot, lui, rouvrait.
Et avec pour patrons les Chinois annoncés par une habitante du quartier.

Aujourd'hui, pourquoi aujourd'hui? Aujourd'hui c'est la rentrée. Je reprends le fil. 

Bien à vous,
Françoise Tomeno
9 septembre 2017 



22 janvier 2017

Fermé!

Françoise Tomeno
22 janvier 2017

Fermé! C'est fermé!

Ils n'ont pas dit qu'ils allaient fermer.
Ils ne m'ont pas dit qu'ils allaient fermer.

Je ne leur ai pas dit au-revoir.
Ils ne m'ont pas dit au-revoir.


Voilà: d'habitude, le bistrot du quartier ferme entre Noël et Nouvel An. Je m'étais donc préparée à ce que ça manque à ce moment-là.
Et puis en passant en voiture, j'ai vu que non, que ce n'était pas fermé, et pourtant nous étions entre Noël et Nouvel An.

"Ah bon", me dis-je. "Ah bon". 
Mais comme j'avais anticipé cette vacance de bistrot, qui arrivait en même temps que mes vacances, je n'y suis pas allée cette semaine-là, fréquentant un autre bistrot.

Reprise après le 1er janvier, me voilà partie pour faire halte dans ce lieu que j'ai appris à apprécier.

Flûte, ce n'est pas ouvert. Ils auront pris leurs vacances en décalé. Je ne me soucie pas plus que ça de l'affaire.

Semaine suivante, ce n'est toujours pas ouvert.

Voilà qu'en allant faire mes emplettes à la supérette, je croise deux dames en conversation, dont l'une fréquente le bistrot. Je prête l'oreille, et j'entends qu'elles parlent du changement de propriétaire du bistrot. Je me joins à elles sans plus de façons. 

"Il paraît que c'est des Chinois qui reprennent" dit la dame que je connais, avec une de ces moues... 
Des chinois, des étrangers, quoi.

Je dis que  les Chinois, c'est bien aussi, faudra voir. Elle n'ose pas ne pas en convenir....

Nous sommes quinze jours plus tard, et les Chinois n'ont toujours pas ouvert. 
Aurons-nous un restaurant chinois en face de la pizzeria qui fait des pizzas halal?

Affaire à suivre, je vous tiens au courant.