Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

16 mai 2015

Les yeux fermés de Mustapha, ou la connivence

Françoise Tomeno
16 mai 2015

L'ancien, le vieux, est là, sur la terrasse. En face de lui, Mustapha, qui semble endormi. Les yeux fermés, il ne bouge pas. À leur table, deux autres hommes, l'un d'un âge intermédiaire, l'autre très jeune, habillé "jeun's", tout en noir, la casquette et les lunettes noires.
Une discussion tranquille de bistrot, apparemment, les occupe, sauf Mustapha, qui dort, donc.

Quoique?
En deux temps trois mouvements, ses yeux s'ouvrent, quelques paroles s'échangent; il se lève, rentre dans le bistrot, et là, hésite. Il a à peine le temps d'hésiter, l'homme d'âge moyen s'est levé, est entré dans le bistrot lui aussi, Mustapha le rejoint, l'homme lui donne de l'argent et ressort.

Et voici notre Mustapha en courses, au comptoir des cigarettes et des gâteries. Le patron lui montre un paquet de cigarettes, Mustapaha regarde son argent, le patron a l'air de conclure qu'il n'a pas assez. Discussion s'en suit. De quoi, de qu'est-ce.

Finalement Mustapha reçoit une petite boîte en métal, genre boîte à petits bonbons. Il sort et rejoint ses amis sur la terrasse.

Pour qui elle est la petite boîte de bonbons? Pour Mustapha? 
Non, pour l'ancien.

Tout en ayant les yeux fermés, Mustapha avait l'oeil.

Je pense au mot "connivence". Il vient du verbe latin connivere « cligner des yeux, fermer les yeux », au sens figuré, c'est la complicité.

Hum! Il me semble bien que cela soit d'actualité, chez ces gars là, la complicité, de celle qui fait du lien.   Et l'ancien, quelle place!