Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

18 octobre 2016

Dylan is Dylan

Françoise Tomeno
18 octobre 2016

Un jour qui ressemble aux autres.
Maintenant on se salue, on se serre la main, quelques mots autour du "ça va?". Aujourd'hui, ça va avec des hauts et des bas, ça fait le yoyo, la santé peut-être, je n'en saurai pas plus.

Pause au bistrot avant d'aller prendre le boulot.

J'ai déjà oublié les infos entendues tout à l'heure sur France Culture. Il y en a pourtant une de taille, le Nobel de littérature pour Bob Dylan. Guillaume Erner a cuisiné un lettré, le harcelant pour savoir si selon lui Dylan était un littérateur. Un poète. Quand même, ça n'est que des chansons.

Le littérateur tournait autour du pot: si si, c'est justifié... enfin, il aurait préféré que ce soit Gainsbourg (tant qu'à faire), le Gainsbourg d'après la Javanaise. Mais normalement, le Nobel, c'est pour des écrivains qui écrivent des fictions, ils sont bien d'accord.

Et puis dans le fond, tout ça c'est politique. Ça fait un moment qu'il vote à gauche, le jury du Nobel. Pour corriger la tendance générale à droite, extrême, la droite. Alors si c'est Bob, c'est pour dire que l'Amérique, c'est pas celle de Donald, mais bien celle de Dylan. Non mais!

J'ai déjà oublié ce que j'ai entendu sur France Culture.

Un homme est accoudé au bar, il converse avec ceux qui désormais me saluent et avec qui j'échange chaque fois quelques mots de courtoisie. Un homme dans nos âges, le cheveu filasse et plutôt long, quelque chose de nonchalant.

"Vous avez vu? Le prix Nobel, c'est Dylan qui l'a eu... ah! Dylan, c'est chouette, il le mérite bien.
Bon, c'est vieux tout ça..."

Vieux comme nous, à vrai dire, vieux comme notre jeunesse qui surgit à ses mots. Qui surgit et nous réunit d'un coup, au delà de nos différences, de nos inconnus. 

L'homme reprend et se met à  chanter :"Dylan is Dylan....". 

Je n'avais jamais entendu chanter dans ce bistrot.

J'ai bien sûr levé le nez, je ris, ravie, on se voit en train de partager ces bouts de nos jeunesses qui finalement ne foutent pas le camp, même que sans le savoir on en avait un en commun, de bout de jeunesse. 
On s'aperçoit souriants, quelque chose d'une bonne humeur est là, tranquillement installée dans  notre bistrot du matin.

C'est l'heure pour moi d'aller attraper mon bus. Je dois quitter les regards réjouis. Le "au revoir" vient de tous, il ne ressemble à aucun de ceux échangés jusqu'à maintenant dans ce bistrot de mon quartier. Il a quelque chose de sautillant, quelque chose de proche des rires de l'enfance.

Ça c'est bien vrai, Dylan is Dylan.

Tu sais quoi, mon vieux Bob, tu l'as bien mérité, ton prix Nobel, rien que pour ça. Tu n'en sauras jamais rien, mais nous, on le sait.

Allez, ciao, Bob.