Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

28 janvier 2016

C'est magnifique!

Françoise Tomeno
28 janvier 2016

" Bonjour Messieurs Dames".

La voix est joyeuse, forte, engageante, souriante.

Celui qui vient d'entrer dans le bistrot est assez jeune, de taille moyenne, il porte un manteau de drap de laine de couleur foncée, il a une allure décidée. Ça me plaît, je lui adresse un bonjour discret, nous ne nous connaissons pas, et je pense qu'il salue plus particulièrement les autres personnes un peu plus habituées des lieux que moi.

"C'est magnifique! Vous êtes magnifiques... les anciens! Vous êtes tous là" ajoute-t-il.

Je m'attends à un accueil chaleureux.
Seuls quelques bonjours peu convaincus lui répondent. Il ne semble pas s'apercevoir de cet accueil sans enthousiasme et se met à discuter avec un client qu'il semble bien connaître, un jeune prenant peu soin de sa personne, à l'air paumé. Il l'engage à aller se changer, il peut lui prêter des vêtements, etc. Tout ça toujours de sa voix forte. 

Puis il interpelle la patronne, toujours avec ce même ton enjoué, je ne comprends pas de quoi il retourne, mais elle lui répond sèchement. Je perçois des coups d'oeil dans l'assistance. Visiblement, il agace.

Quel passé ici? Quel passé dans le quartier?

La conversation avec la patronne continue, cela  paraît s'arranger, ça sourit, ça rit un peu. On dirait que la patronne l'a remis à sa place et qu'ils ont pu renouer un petit bout de lien. 

Il repartira assez vite, sans s'être assis, sans avoir consommé.

Je ne l'avais jamais vu avant, je ne le reverrai plus jamais après.

Mystère.....


22 janvier 2016

La semaine dernière

" La semaine dernière,  j'avais plus d'argent pour faire à manger. J'ai fait comme mon grand-père: j'ai fait chauffer du lait avec du sucre " .

Ce vendredi 22 janvier  2016, 9h10, dans le bistrot d'un quartier populaire d'une grande ville, en France. 

Françoise Tomeno

28 décembre 2015

On est fermés jusqu'à lundi

Françoise Tomeno
28 décembre 2015

Venir régulièrement, venir souvent. 
Saluer, toujours, même si personne ne répond. 
Veiller... veiller à quoi, au fait?
À tout, à rien, à l'ambiance, aux passages, aux mouvements, aux regards, francs, furtifs.
Être là.

Et puis un jour, un "Au revoir Messieurs Dames" reçoit sa réponse, c'est Marlène, la patronne. 

Et puis un jour, le crème habituel arrive sans avoir eu besoin de le commander, par la grâce de Marlène, à peine eu le temps de m'asseoir.

Et puis un autre jour encore, c'est un sourire de Georges, le serveur, un sourire qui frise la pudeur. 
Geroges se met à dire "Un crème?", et je réponds "Comme d'hab.".

Plus tard, c'est le patron qui, au "Au revoir Messieurs Dames, bonne journée" lancé à la cantonade, répond "Au revoir Madame, bonne journée". Le patron au sourire aussi pudique que celui de Georges. La pudeur des hommes, c'est peut-être un caractère sexuel secondaire de ce côté-ci du monde.

Par la suite, Marlène viendra me demander si ça va, j'en ferai autant, je ne sais même plus laquelle de nous deux a commencé.

La permanence de la présence engage une femme, puis une autre, à m'entretenir, certes très brièvement, de ses maux de dos, du temps qu'il fait, des vêtements choisis
Les messieurs sont plus discrets. Un regard, un salut, c'est déjà ça, peut-être est-ce même beaucoup, dans ce quartier coupé en deux par une avenue qui marque la frontière entre les classes sociales. 

Le bistrot est essentiellement fréquenté par les habitants des grandes barres, parmi lesquels les plus pauvres doivent, à partir du 15 du mois, aller chercher à manger à la banque alimentaire du comité de quartier. Ici, toutes les couleurs sont permises, du blanc au noir. Ça cohabite au comptoir, à certaines tables. Souvent, on me dit "il ne doit pas y avoir de femmes", venant ainsi au secours de mon discours qui explique que je fais tâche dans le bistrot. Mais si, il y a des femmes, il y en a toujours, et encore plus le samedi. Ce jour-là, des femmes d'un certain âge se retrouvent au son de tonitruants "Bonjour les filles". Retrouvailles pas gênées du tout dans ce bar de prolos. Je devrais plutôt dire "de chômeurs". Parce que ce qui fait la différence dans la fréquentation du bistrot, ce n'est pas la couleur de la peau, c'est le contenu du porte-monnaie.


Je me suis donc obstinée, et toute petite différence ensoleillait ma journée.

Est arrivé ce jeudi 24 décembre 2015. Petit crème du matin, comme d'hab. Je sors avec mon  "Au revoir Messieurs Dames", comme d'hab. J'avais déjà franchi à moitié le seuil de la porte quand je vois plus que je n'entends Marlène me faire signe: "Vous savez, on est fermés jusqu'à lundi".

Par la grâce des dieux, celui des chrétiens fait homme, autrement appelé Jésus, dont on célèbrera la naissance demain, et Allah lui-même, dont on célèbrera ce même 25 décembre la naissance du prophète Mahomet, j'avais été suffisamment adoptée pour recevoir cet égard de la patronne.

Inch Allah, à la grâce de Dieu.





08 novembre 2015

Bébert and Bébert

Françoise Tomeno
8 novembre 2015

Vous vous souvenez? La patronne veille sur Bébert. Faut pas qu'il boive un godet de plus, Bébert. J'ai appris depuis que ce sont des godets de bière qu'il boit, Bébert. Faut pas que ses potes lui paient un verre de plus. Un seul verre, a dit la patronne.

Vous vous souvenez? Il était parti fâché, Bébert: "Puisque c'est comme ça, je r'viendra pas!", qu'il avait dit, Bébert. Et quelques minutes plus tard, je l'avais revu dans un coin du bistrot, en compagnie, regardant vers le comptoir.

Aujourd'hui, je suis absorbée dans la lecture de mes messages. J'entends juste "Ben alors, les frères...". Je lève le nez vers le comptoir, et je crois tomber à la renverse. Je vois deux Bébert. Bébert 1 et Bébert 2. Si, je vous jure.

Même stature, même allure trapue, même vêtements, à quelque chose près: Bébert porte des vêtements d'une couleur un peu plus foncée que Bébert 2. Même casquette sur le crâne.

À y bien regarder, j'aperçois des différences. Le cheveu de Bébert 1 est un peu plus long, et surtout plus gras que celui de Bébert 2, et Bébert 1 porte moustache. 

Ça change tout!

Le Bébert à surveiller, c'est Bébert 1, au cheveu gras qui pendouille sur la nuque.

Et celui que j'avais vu revenu dans un coin du bistrot, si ce n'était lui, c'était donc son frère?

06 août 2015

Elle a tenu bon pour Bébert, la patronne (pour, ou contre?).

Françoise Tomeno
6 août 2015

Je les avais entendu en parler au comptoir, la patronne et quelques habitués. On parlait de Bébert, de son état de santé, même que ça se voit qu'il n'a pas bonne mine. La patronne disait fermement à ceux qui étaient accoudés là qu'ils devraient faire attention, ne pas proposer à Bébert une nouvelle tournée, ça lui fait du mal.

Ce matin, Bébert était au comptoir, en compagnie. Rien que des hommes (il y a toujours peu de femmes à cette heure au bistrot).

- La patronne: "Non, Bébert, je ne ten donnerai pas un autre. Tu as vu ta tête? Tu ne vas pas bien, tu es en mauvais santé. Ça va te faire du mal".
- Bébert: "Je vais très bien, sers-moi!"
- "Non, Bébert, ça n'est pas bon pour ta santé".

Alors Bébert pique une colère,: "Et bien je m'en vais!".

Il va jusqu'à la porte dont les battants sont grand ouverts, il va faire chaud encore aujourd'hui. Il se retourne: " Puisque c'est comme ça, je r'viendra plus!!!". Et il s'en va, Bébert, privé de compagnie pour raison de santé.

La conversation s'engage au comptoir. Tous cette fois sont unanimes. Bébert, il veut pas le reconnaître qu'il est malade. Pourtant, il est fatigué, il est tout pâle, il n'arrive même plus à parler des fois. Etc... La patronne précise qu'elle lui en sert un, "comme ça" dit-elle comme pour s'excuser. Mais pas plus. 

Je reprends mes rêveries du matin. Au moment où je m'apprête à partir, qui je vois installé à une table, loin du comptoir, mais en compagnie? Oui, Bébert, lui-même, personnellement. Il ne converse pas avec la compagnie. Il regarde fixement, presqu'avec ferveur, vers le comptoir. Comme s'il cherchait le regard qui va s'apercevoir qu'il est revenu, malgré tout, malgré la fermeté de la patronne. Malgré, ou grâce à la fermeté de la patronne? Parce qu'elle prend soin de lui, la patronne. 

Ça vaut peut-être la peine de trouver autre chose à boire que... 

Que quoi, au fait? Je ne sais pas ce qui lui fait tant de mal, à Bébert. Un petit blanc? Un café?

En tout cas, ce que je sais, c'est qu'il a, dans la place, une vraie amie pour qui sa santé à lui vaut plus que l'argent qu'elle gagnerait en lui servant sa consommation.

Bébert, quelle chance vous avez, savez-vous? 

01 août 2015

L'Ancien

Françoise Tomeno
1er août 2015

Il est souvent là. Il n'a pas de place attitrée. Il s'installe dehors, sur l'une des deux terrasses du bistrot, en été, l'hiver, à l'intérieur, ici ou là.

Il reste toujours un long moment, on vient le voir. On vient s'installer en face de lui. Si la place est occupée, on prend l'une ou l'autre des places restées libres. On lui parle. Il écoute, il parle parfois, toujours calmement, le ton discret, "jamais un mot plus haut que l'autre", comme on dit.

La conversation peut circuler entre tous, il semble toujours en être le destinataire principal. Il a des vertus naturellement apaisantes, en particulier pour Mahmoud, qui compte sur sa présence pour s'installer auprès de lui et arrêter ce mouvement d'inquiétude qui le porte toujours ailleurs. On dirait qu'il vient se ressourcer auprès de lui, auprès de l'Ancien. 

Qui occupera cette place lorsqu'il ne sera plus là? Y aura-t-il même quelqu'un pour l'occuper?

17 mai 2015

Je suis allée au paradis

Oui, je suis allée au Paradis.
Et j'en suis revenue.

Les murs du Paradis sont rouges, si!
Des anges, par deux, tels des chauve-souris, se sont accrochés ça et là aux murs du Paradis. Occupés à converser entre eux, ils ne se soucient pas de vous. Pourquoi le feraient-ils, d'ailleurs, puisque vous êtes arrivés à bon port. Peut-être sont-ce là des anges gardiens ayant terminé leur travail? 

Mais alors se pose une question: lorsqu'un ange gardien n'a plus personne à garder, se trouve-t-il en congé? Au chômage? À la retraite?
Et pourquoi se rassembleraient-ils par deux?

Il y a d'autres personnes au Paradis (si tant est que les anges soient des personnes!). Une vieille femme tibétaine tire sur une sorte de cigarette, le visage maussade, un vieil homme tibétain portant casquette vous regarde derrière ses lunettes noires, énigmatique. Sûr que le Paradis, ce n'était pas ce à quoi ils s'attendaient, Boudha ne leur en avait rien dit.

Au Paradis, il y a un bar, avec des serveurs, si! Plein de serveurs, qui n'arrêtent pas de se relayer. Mais peut-être y sommes-nous restées très longtemps, au Paradis? L'éternité peut-être?
Tous sympathiques d'ailleurs, les serveurs. 

On peut y commander des tas de bonnes choses, je goûterai avec plaisir la soupe de patates douces à la coriandre, un régal. Elle est bienvenue, il fait très froid dehors. 

Et puis, au Paradis, il y a mon amie Françoise, pas revue depuis des dizaines d'années. Elle aimait justement le Tibet, qu'elle avait frôlé lors d'un de ses voyages en Inde. 

Nous nous sommes retrouvées là, assises au Paradis, à déguster nos soupes et nos souvenirs, nos avenirs aussi.

Et puis il nous a fallu quitter le Paradis: qui eût cru que cela fût possible?

Je retournerai un jour au Paradis. J'aimerais y retrouver l'amie Françoise. J'aimerais y retrouver les autres amies, les autres amis, qui avaient dû se cacher ce jour-là, je ne les y ai pas vus. 

J'aimerais y retrouver aussi toutes celles et ceux qui n'ont pas encore été y faire un petit tour. 


Je retournerai au Paradis, c'est sûr.

Françoise Tomeno
17 mai 2015

AU PARADIS Au Paradis

16 mai 2015

Bistrots à Cuba

CIENFUEGOS




TRINIDAD





REMEDIOS


Bistrots à La Havane




 




HOTEL SEVILLA, ancien hôtel d'Al Capone






Extraction du  Guarapo, le jus de canne







Les yeux fermés de Mustapha, ou la connivence

Françoise Tomeno
16 mai 2015

L'ancien, le vieux, est là, sur la terrasse. En face de lui, Mustapha, qui semble endormi. Les yeux fermés, il ne bouge pas. À leur table, deux autres hommes, l'un d'un âge intermédiaire, l'autre très jeune, habillé "jeun's", tout en noir, la casquette et les lunettes noires.
Une discussion tranquille de bistrot, apparemment, les occupe, sauf Mustapha, qui dort, donc.

Quoique?
En deux temps trois mouvements, ses yeux s'ouvrent, quelques paroles s'échangent; il se lève, rentre dans le bistrot, et là, hésite. Il a à peine le temps d'hésiter, l'homme d'âge moyen s'est levé, est entré dans le bistrot lui aussi, Mustapha le rejoint, l'homme lui donne de l'argent et ressort.

Et voici notre Mustapha en courses, au comptoir des cigarettes et des gâteries. Le patron lui montre un paquet de cigarettes, Mustapaha regarde son argent, le patron a l'air de conclure qu'il n'a pas assez. Discussion s'en suit. De quoi, de qu'est-ce.

Finalement Mustapha reçoit une petite boîte en métal, genre boîte à petits bonbons. Il sort et rejoint ses amis sur la terrasse.

Pour qui elle est la petite boîte de bonbons? Pour Mustapha? 
Non, pour l'ancien.

Tout en ayant les yeux fermés, Mustapha avait l'oeil.

Je pense au mot "connivence". Il vient du verbe latin connivere « cligner des yeux, fermer les yeux », au sens figuré, c'est la complicité.

Hum! Il me semble bien que cela soit d'actualité, chez ces gars là, la complicité, de celle qui fait du lien.   Et l'ancien, quelle place!

01 mai 2015


Protection rapprochée

Françoise Tomeno
30 avril 2015

Je m'obstine à fréquenter ce bistrot là. C'est celui de mon quartier, et il va bien falloir qu'un jour il m'adopte. Et pour qu'il m'adopte, pas d'autre solution que celle de  commencer moi-même par le faire. Pas facile, toujours ces différences de classe. Enfin, depuis que je m'obstine, la patronne a fini par me dire "un crème?", ce à quoi je réponds "oui, avec un verre d'eau". L'étape suivante, elle me dira "un crème avec un verre d'eau?", et la suivante encore, elle ne dira plus rien, elle m'apportera le crème et le verre d'eau.

Je bricole je ne sais quoi sur mon téléphone. Mais j'ai perçu du mouvement, annonciateur de perturbations dans ce lieu où tout semble d'habitude d'un rituel immuable. Les mêmes saluent les mêmes, s'assoient avec les mêmes, parlent avec les mêmes, jouent tous les jours aux mêmes jeux, espérant, chômeurs, précaires,  gagner un peu d'argent.

Mais aujourd'hui, ça castagne à la terrasse. Deux jeunes hommes en viennent aux mains, aussitôt ça se mobilise de partout. La patronne intervient auprès du plus gros des deux  et lui crie "laisse tomber Mustapha, tu vois bien qu'il a bu. Laisse". Mais Mustapha ne l'entend pas de cette oreille. Il se plaint, c'est l'autre qui l'a cherché, il ne va quand même pas se laisser faire.

Pendant ce temps-là, à la terrasse, quelques jeunes hommes, la trentaine, sont intervenus pour séparer les belligérants. Les uns s'occupent de l'un, les autres de l'autre. Mustapha oscille entre l'intérieur d'où lui parle la patronne, et l'extérieur où l'appelle le combat. Le jeune homme qui a bu est maîtrisé, avec beaucoup de douceur, par les autres jeunes hommes. Ils doivent le tenir ferme, parce que ça pourrait bien recommencer , il est hilare.

Notre Mustapha a l'air de s'orienter un peu plus vers l'intérieur, mais hésite encore.

Arrive un monsieur âgé, qui vient sans doute du même côté de l'avenue que Mustapha, du côté où règne la précarité. Il est bien mis, il vient s'asseoir à la table à côté de celle où je me suis installée. Mustapha le voit, hésite encore, à peine, et sans marquer de temps d'arrêt, s'en vient s'installer, sans plus de façons, en face du vieux. Oui, je dis "le vieux" avec tout le respect qu'il m'inspire. Parce que je pense que c'est de ça qu'il s'agit pour Mustapha, ou plutôt, que c'est comme ça que ça a agi. À peine installés l'un en face de l'autre, ils se parlent. Le vieux a un ton très clame, posé. Je n'entends pas ce qu'ils se disent, je vois juste le calme gagner Mustapha. Le vieux lui demande alors d'aller lui chercher quelque chose à l'extérieur du bistrot. Mustapha s'exécute, revient s'installer face au vieux, rend la monnaie. Un autre homme arrive, s'installe auprès d'eux, et voilà que la conversation s'engage à trois. Le sujet n'a plus l'air d'en être la bataille. Mustapha, protégé de lui-même, protégé de ce qui l'avait agressé, est maintenant en discussion ordinaire de bistrot.

J'ai été épatée, cher vieil homme, par votre talent.
Je ne l'ai pas moins été par celui des jeunes hommes qui ont entouré leur camarade imbibé, à la fois en le tenant ferme, et en lui parlant, eux aussi avec calme, voire avec douceur. 

Dans mon métier, on appelle ça la fonction contenante. Ici, c'est la vie, de celle dont on ne parle pas quand on parle des "quartiers".





30 avril 2015

Les pieds, bon sang, les pieds!

Françoise Tomeno
30 avril 2015

Ce n'est qu'en prenant mon manteau que je l'ai vue. Je ne l'avais pas entendue entrer, elle s'était installée juste derrière moi. Elle avait dû se glisser jusque là comme une ombre, elle semblait encore, inclinée vers sa tasse, toute petite, presque une ombre. Sauf le manteau aubergine qui ne faisait pas très ombre.

Un léger, tout léger mouvement de sa tête m'a indiqué qu'elle avait vu que je le regardais. Nos regards se sont frôlés, j'ai dit bonjour. Une esquisse de sourire, un autre petit mouvement, proche de l'infime.

Et puis, allez savoir pourquoi, mon regard s'est abaissé vers ses pieds que j'ai entrevus entre ceux de la table. De tout petits pieds, habillés de petites chaussettes beiges, au bout de très fines et petites jambes, plongés dans de tout petits chaussons noirs. Quelque chose à ce moment m'a bouleversée. Elle était là, posée et reposée sur ses petits pieds qui avaient dû la porter depuis bien longtemps sur les bords de la vie.

Elle buvait un café crème, avec un croissant. Ce devait être jour de fête. Je ne l'avais pas entendue commander quoi que ce soit. Le patron devait savoir, peut-être n'avait-elle pas eu besoin de dire.

C'était peut-être jour de fête. De ces fêtes qui donnent dans l'infime, le presque rien, l'indicible aussi.

Quelque chose là m'a bouleversée.


29 janvier 2015

Le mercredi, les pieds de M'sieur Léon

Françoise Tomeno
29 janvier 2015

C'était Léon. À l'imparfait s'il vous plaît, mes hommages Monsieur Léon. 
Il n'est plus là pour  nous dire: "ça va comme c'est m'né, avec les pieds". Mais il est toujours là, puisqu'on en parle encore.

Au début du mercredi-jour-des-enfants, Léon, il n'était pas content. Parce que pour lui, le p'tit rosé, c'était dès le matin, dès le matin de bonne heure, rosa rosa rosam, rosae rosae rosa.

Et puis il paraît que c'est devenu une sorte de jeu (ça tombait bien, c'était le jour des enfants). Et Léon redevenait enfant, et il jouait. Il jouait à prendre du rouge. Oui, du rouge, et pas du rosé. Parce que le sirop de fraise, c'est rouge, pardi!

Avec le rouge du mercredi, les pieds allaient plus droit. Plus droit que le lundi et le mardi, plus droit qu'ils n'iraient le jeudi, le vendredi et le samedi (dimanche?). Et il ne la ramenait plus, sa fraise, M'sieur Léon, attendu qu'il la buvait.

Le mercredi-jour-des-enfants, figurez-vous, ça finit à 18 heures. C'est bien le seul endroit du monde où un jour se termine à 18 heures. Les heures qui suivent, c'est du rab, du rab d'heures, où on joue à redevenir adulte. Alors à 18 heures, M'sieur Léon prenait son p'tit rosé, vive la langue latine, rosae rosae rosas  rosarum rosis rosis.

C'est ainsi que M'sieur Léon jouait toute la journée du mercredi. 
Et maintenant il est parti jouer au paradis, il l'a bien mérité.

Lulu, le retour

Françoise Tomeno
29 janvier 2015

Oh elle a eu du mal avec ça! Bien du mal. Ça n'était plus son bistrot. "Ils" lui avaient changé, "ils" avaient changé. Ça faisait longtemps que ce n'était plus l'ancienne patronne, mais elle avait pris ses habitudes, Lulu, avec "Les filles", "les filles" qui s'étaient installées derrière le comptoir à la suite de Colette. 

Et là, à nouveau, on lui changeait tout son paysage. Des gars étaient là. De temps en temps, son Lucien familier, qui servait certains jours  du temps des filles, reprenait du service, mais ça ne suffisait pas. 

Elle était ronchon. Vous me direz qu'elle est toujours ronchon. Ça n'est pas faux. Mais elle avait une façon d'être ronchon qui disait combien ce n'était pas facile, combien ce lieu comptait pour elle. 

Elle  venait quand-même le dimanche. Forcément, le bistrot d'à côté ferme le dimanche, alors! 

Et puis elle est venue le mercredi. Allez savoir pourquoi? Chez Roger c'est pourtant ouvert, le mercredi. Mais qu'est-ce qu'elle venait faire là le mercredi? Elle venait râler. Si si, râler. Parce qu'elle sait être râleuse. C'est même une façon d'être pour elle, un style, une façon incontournable d'habiter la vie. 

Et pourquoi elle venait râler, Lulu?  Je crois que j'ai trouvé. Parce que le mercredi, c'est le jour des enfants, jusqu'à 18 heures, et que le jour des enfants, c'est sans alcool, pas moyen de boire un petit coup de rouge, un petit apéro.

Alors tapis rouge pour Madame Lulu, de quoi râler jusqu'à plus soif, jusqu'à... 
Jusqu'à quand exactement? Jusqu'à 18 heures précisément. Parce qu'à cette heure là elle peut boire un petit coup? Oui oui. Mais pas seulement;

Parce qu'à cette heure-là, qui c'est qui prend son service au bar? Hein? Qui c'est?

Et bien c'est Lucien. Si, Lucien, comme je vous le dis. Lucien qu'elle chérit, son Lucien. Oh elle ne vous le dira jamais comme ça, mais ça se voit, ça finit même par se savoir. Lucien qui assure la continuité qui fait la sécurité. 
Alors retrouver du même  coup et Lucien et l'apéro, vous comprenez, c'est Byzance.

Au fond, tout n'a pas changé, finalement? Puisqu'il y a toujours Lucien, et Céline, et Gisèle....

04 décembre 2014

"Vous savez, hier"

Françoise Tomeno
4 décembre 2014

J'ai senti sa présence sur le côté, quelqu'un qui s'arrêtait et me regardait. Je m'apprêtais à passer commande pour mon repas de ce soir. Je me tourne vers là où ça me regarde, sourire, sourires... c'est elle, c'est madame K, avec ses yeux bleus, aujourd'hui souriants.
Des lustres que l'on ne s'est pas croisées. 

Elle s'approche, je l'embrasse: trop bien, trop contentes.

Je remarque d'emblée ses cheveux: pour la première fois depuis que je la connais, ils ne sont pas filasses-et-pourtant-brillants, ils sont d'un beau blond cendré, toujours brillant cependant. Et puis, dépassant de son pull gris, il y a le tee-shirt rouge. C'est que ça va bien, quand il y a du rouge, j'ai appris ça au fil du temps.

"Ca va? Vous avez mis du rouge, ça doit aller". Elle est rayonnante.
"Vous savez, hier...", le ton n'est pas interrogatif, non. Affirmatif à souhaits. Je sais, hier.

Hier! Mais je ne l'ai pas vue depuis des mois. Hier! 
Elle est comme ça. La dernière fois, c'était donc hier, et c'était sans doute, dans sa tête, au bistrot où l'on se croisait autrefois. Un autrefois d'une extrême et étrange proximité dans ce "hier"....

Alors qu'est-ce que je sais depuis hier? Eh bien que son kiné lui a dit: "Il y a plein de gens qui aimeraient être comme vous!", en forme, quoi. C'est vrai qu'elle a la forme, la forme debout sur ses pieds, elle que j'ai connue si recroquevillée, si enroulée sur elle-même.

La serveuse de la charcuterie/traiteur est allée patienter pendant notre conversation. Elle doit la connaître. Elle sait que cela peut-être long.

Je lui fais signe, et passe ma commande, un plat tout prêt, pas le temps de faire ma popote ce soir.
Alors "elle", Madame K, me dit avec une grimace de circonstance: "Oh!!!" d'un air de dire "C'est une commande de bourgeoise". Je  ris, je lui dis: "C'est une commande chic?". Elle réfléchit, fait la moue: "Non, une commande de princesse!" Et tiens!
"De princesse comme vous!". "Ah non!" dit la bouche, ah oui dit tout le visage.

Elle file vers sa vie, de princesse, grâce au kiné, merci Monsieur, et moi je vais payer ma salade composée. Je dis à la serveuse: "Je l'adore..., c'est un personnage".
Réponse de la serveuse: "Oui, c'est un personnage...".
Elle n'a pas l'air de l'adorer?

Vous: "Mais ça n'a rien à faire là, ce n'est pas une chronique de bistrot". Bon, d'accord. Mais c'était hier, au bistrot. C'est là que je l'ai rencontrée, que j'ai appris à la connaître. S'il n'y avait pas eu le bistrot de son hier, il n'y aurait pas eu cette petite luciole du jour.
Donc, c'est une chronique de bistrot, que vous le vouliez ou non...

03 décembre 2014

Des Chroniques de Bistrot à La Chesnaie

École De Psychiatrie Institutionnelle De La Chesnaie
Clinique de Chailles
41120 CHAILLES

Lundi 15 décembre de 21h à 23h, à la Haute-Pièce
« DES CHRONIQUES DE BISTROT »
Par Françoise Tomeno

« Ça commencé par une rencontre avec Jésus. Il fréquentait le même bistrot que moi. Ou plutôt non : je fréquentais le même bistrot que lui. Je ne m’en suis pas remise. Il m’a fallu écrire, et le goût d’écrire est arrivé par là-dessus. Écrire, oui, mais écrire ça. Ces rencontres de hasard, ces petites histoires d’humanité, drôles et graves à la fois, qui se passent dans les bistrots. Ce que j’ai fini par appeler des lucioles, empruntant ainsi à Georges Didi Hübermann, lui-même inspiré par Pier Paolo Pasolini.

Grâce à Jésus, je me suis mise à fréquenter les bistrots autrement. Il fallait être là dans une certaine vacance, se laisser surprendre par une parole, un déplacement, un léger changement dans les habitudes. Mais il fallait aussi qu’il y ait quelqu’un à qui le raconter.
Ainsi sont nées ces petites histoires de bistrot, ainsi se sont parfois noués des liens avec les uns ou les autres : Lulu, Léon, Michel, madame K...... »

Françoise Tomeno est la petite fille d’une tenancière d’estaminet dans le pays minier, et l’arrière petite fille d’un forgeron italien. Elle ne dédaigne aucun café, depuis le jus de chaussette façon cafetière posée toute la journée sur le fourneau d’une maison du Pas de Calais, jusqu’au ristretto le plus serré possible.
Son goût des petites choses se lie sans aucun conteste à l’attention portée au singulier, à la fonction diacritique, à la nécessité du récit à un autre pour faire vivre l’humanité de l’humain. Sa rencontre avec la Psychothérapie Institutionnelle y est pour quelque chose. Psychologue, elle occupe parfois la position de psychanalyste.


05 novembre 2014

BUDAPEST












CAFÉ CENTRAL 





CHEZ RAHEL FLÒDNIJA






AUX HALLES CENTRALES











Café Barjot




Distinction

Françoise Tomeno
5 novembre 2014

Je lui avais trouvé l'air distingué. On pouvait le distinguer, des autres clients, par une tenue un peu plus classe, veste et pantalon sombres, chemises blanches. Pour les autres, c'était plutôt jeans, survêtements, en plus ou moins bon état. Pour autant, il habitait du  même côté du quartier qu'eux, ce côté de l'avenue où vivent les immigrés et les précaires, ce qui souvent ici désigne les mêmes personnes. Le médecin homéopathe, la pharmacienne et moi-même faisions tâche dans ce bistrot. Moi, cependant, je m'obstinais à y aller de temps en temps. C'était le bistrot de mon quartier, je ne pouvais tout de même pas le laisser passer sous silence.

Ce jour-là, je le vois à une table proche, de profil, appuyant une tasse à café juste sous son oreille droite. Que lui arrive-t-il donc? Geste étrange....
Je le vois s'adresser un moment à des hommes attablés tout près. Il semble s'expliquer de sa posture, mais je n'entends pas ce qu'il dit.

Un moment plus tard, le voilà qui tourne légèrement la tête, nos regards se croisent. Devant ma mimique étonnée, il esquisse une grimace. Je souris : "Qu'est-ce qui vous arrive, vous avez mal?" Alors il m'explique: oui, il a mal, il ne sait pas ce qu'il a. 
Quelques mots s'échangent, facilement, aimablement. Depuis quatre ans, c'est la première fois.

Je suis contente de m'être obstinée. 

La passion de distinguer m'a encore offert un cadeau. 

13 octobre 2014

On a volé l'Ange Bleu

Françoise Tomeno
12 octobre 2014

Il paraît que c'est arrivé un soir de fête au bistrot. On a volé l'Ange Bleu. Personne n'a rien vu.

Permettez que je lui rende hommage. Il m'a bien accompagnée tout le temps qu'il a été là. Je tiens à l'en remercier.

Et si celui ou celle qui, par mégarde, et probablement en état d'ébriété, l'a glissé dans sa poche un soir de fête, lit ces lignes, qu'il ait l'élégance de venir un autre soir de fête (les occasions ne manquent pas), et dépose notre ange n'importe où dans le bistrot, discrètement, bien entendu. Dieu et tous les autres anges lui en seront éternellement reconnaissants.




12 octobre 2014

Suspendus

Françoise Tomeno
12 octobre 2014

Nous étions suspendus.
Suspendus à l'attente de la nouvelle, de l'annonce de la réouverture de notre bistrot.
On voyait bien avancer les travaux. On entendait bien des rumeurs: ce sera tel jour, ou tel autre. Mais comment savoir avec certitude?


 L'ange bleu nous adressait un sourire malicieux. Il avait invité son copain le soleil qui se moquait gentiment de nous....



Nous étions également suspendus à une autre question. Allait-il nous reconnaître, lui, le bistrot, dans son nouveau décor? Allaient-elles nous reconnaître, elles, les nouvelles personnes qui seraient derrière le comptoir, et qui ne nous avaient jamais vues? Comment allions-nous faire? La rencontre aurait-elle lieu?

Et puis le jour de la réouverture est arrivé. Un matin, je suis retournée m'installer là, à ma table. Personne ne savait ce matin-là que c'était ma place. Personne sauf moi, l'ange bleu, et peut-être le soleil si l'ange lui avait passé le mot. 

Cela faisait longtemps que je ne demandais plus mon crème dans ce bistrot, on avait fini par me l'apporter d'office. Mais ce jour-là, j'ai à nouveau prononcé les mots "Un crème s'il vous plaît". "Un grand?"-"Euh... un grand, oui". 
Mince! Un grand, c'était un allongé avec du lait. Mêmes les mots avaient changé. 
"Alors, non: pas un grand, mais pas une noisette non plus". Voilà que je ne savais même plus parler. 
Le lendemain, c'était quelqu'un d'autre au comptoir. Panique: je demande quoi: un crème normal? Un moyen? Ca n'existe pas, un moyen crème. Je ne sais plus ce que j'ai balbutié.

Tout doucement, on s'est repérés. Tiens, c'est plutôt lui le lundi, lui ou elle, le mardi. Lui du lundi a eu un prénom, lui, elle, du mardi, aussi. Et puis Céline, qui avait travaillé là autrefois, est repassée par ici, elle repassera par là. 

Pendant ce temps, Lulu boudait. Enfin, c'est ce qu'elle disait. Mais le dimanche, elle était là, l'autre bistrot était fermé. Je l'y ai même surprise un autre jour que le dimanche. Hum, Lulu.... 
C'est vrai qu'il faut du temps pour l'apprivoisement.

Suspendus nous avions été. Nous l'étions encore, suspendus à un regard, une reconnaissance, au repérage d'une habitude.

Mais, le saviez-vous? Un café aussi peut-être suspendu. Vous ne me croyez pas? 
J'avais entendu parler de ça cet été; je crois que c'était en Grèce que, face aux mesures "d'austérité" , on avait adopté le café suspendu. C'est tout simple: lorsque vous allez prendre une consommation dans un bistrot, vous achetez un café que vous ne buvez pas. Il est pour la prochaine personne qui ne pourra pas se payer un café. Le café est suspendu, en attente.....

Tout comme nous l'avions été, en attente d'apprivoisement.

04 août 2014

Un dernier p'tit rosé, M'sieur Léon?

Françoise Tomeno
3 août 2014

Ce dimanche sent la fermeture estivale. Blanche est là, en grande forme, je veux dire ces formes d’excitation dont elle a le secret. Elle danse sur la terrasse au son d’une musique imaginaire. Elle me suit dans le bistrot et me donne les dernières nouvelles, j’ai été absente une bonne semaine. Le bistrot ferme ce soir. La représentation qu’elle a donnée récemment a bien marché, il y a eu du monde, ça a bien marché pour Yan aussi.

Et puis dans le flot des paroles, apparaît le nom de Léon. Lui aussi il a bien marché, il a tant marché qu’il vient de passer de l’autre côté, de passer de vie à trépas, comme on dit. Je pense au poème de Robert Desnos, « J’ai tant longtemps marché », retrouvé sur lui après son décès au camp de Theresienstadt, après la « marche de la mort » qui l’a conduit avec ses compagnons du camp de Flöha à celui de Theresienstadt, Terezin.

Il est passé de l’autre côté du fleuve qu’il aimait tant, Léon, ce fleuve dont il savait si bien parler.

Léon est parti pendant mon absence.

Il me manquait déjà : je ne l’avais pas revu dans ce bistrot après sa récente réouverture. Je l’avais croisé à la terrasse de l’autre bistrot, et surtout, je l’avais croisé sur le chemin de l’île, son île. Il n’était pas en forme, Léon. Il était tombé peu avant, et il avait un gros bobo au cou. J’avais eu immédiatement la pensée qu’il n’allait pas tenir le coup. Qu’il n’allait pas passer l’été sur sa Riviera. C’est comme ça qu’il appelait cette langue de terre qu’on appelle l’Île, l’été. Il m’avait décrit un jour son île sous le soleil, la beauté de ces paysages de Loire. C’était ses vacances, à lui, l’été dans l’île. Il était né là, dans cette maison qu’il habitait encore il y a quelques jours. Il n’avait jamais quitté cet endroit qu’il chérissait par dessus tout. C’est là qu’il « a passé », comme dit Blanche. « Passé, trépassé », ajoute-t-elle. Il s’est éteint tout doucement, entouré de proches, des habitués du bistrot.

Léon m’avait appris les oiseaux de l’île, les hérons cendrés, l’aigrette blanche, les migrations. On disait de lui qu’il était le maire de l’île.

Quand je le croisais, et que je lui demandais « Ca va Monsieur Léon ? », il répondait avec un sourire amusé : « …avec les pieds ». Ca me faisait rire. Il allait ainsi, avec ses pieds, de chez lui au bistrot, d’un bistrot à l’autre. Tout comme il avait été travailler dur, avec ses pieds, une bonne partie de sa vie.

Ce jour-là, Blanche me dit : « Il ne s ‘appelait pas Léon, il s’appelait Michel… C’est son patron qui l’avait appelé comme ça ; il y avait déjà cinq Michel dans l’entreprise ».

Émotion : ce nom d’ouvrier, il l’a donc gardé jusque-là, jusqu’à ce terme de sa vie, Monsieur Léon.

Je le connaissais penché sur son verre de rosé, le matin de bonne heure. Il lui arrivait de plaisanter « Rosa rosa rosam, rosae rosae rosa, rosae rosae rosae, rosarum rosis rosis ». La chanson de Brel lui venait aux lèvres, à ces lèvres qui sirotaient le rosé du matin.

J’espère pouvoir aller lui rendre un dernier hommage, à M’sieur Léon. Je lui porterai une rose, une rose rose, couleur rosé, une rose d’Anjou ou de Touraine, au bon goût de par chez nous.