Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

06 octobre 2012

Quart de soupir à Barcelone


Françoise TOMENO
6 octobre

Faire la pause au bistrot. Sur la place. Sur une des places. Elles sont nombreuses, les places de Barcelone, où l’on peut s’installer, déguster un verre de blanc, une sangria qui vous achève après la journée passée à crapahuter, à ascensionner la colline qui mène à la Fondation Miro, celle qui conduit au parc de Guëll. Petites ou grandes, les places sont là, telles les cases vides du jeu de pouse-pousse dont je vous parlais il n’y a pas si longtemps.

La pause alors est gigogne. Pause à Barcelone, pause sur la place, pause dans l’espace ouvert de la terrasse du bistrot, pause dans la tête.

Il y a la plaça Real, la grande place, dont on peut faire le tour en allant de bistrot en bistrot, il n’y a que ça tout autour. Si vous faites ainsi, cela risque de vous être fatal, ou alors il vous faudra prendre de l’eau, ce qui fait très mauvais genre en ce lieu. D’autant que vous ne résisterez pas aux tapas, passage obligé, qui vient vite remplir la case qui aurait du rester un espace ouvert. La pause en ce cas vous rapportera quelque kilos de plus, damned ! Pas de manque…

Il y a les petites places découvertes au hasard. Le premier jour, on les aura entrevues (et convoitées) derrière un rideau de pluie. Promesse d’un lendemain ensoleillé, et de cette fameuse pause espérée. Les jours qui suivront seront à la hauteur de l’espérance. Le nez au vent, après avoir choppé au passage des petits trésors cachés qui, telles des lucioles dans la ville (1), feront la nique à Gaudi. Gaudi quand même, Miro bien sûr, pas assez de temps pour Picasso, ce sera pour une autre fois, et Lluis Domènech i Montaner, l’architecte du palais de la musique catalane (2), palais qui fut aussi un lieu de résistance au fascisme. Un rêve, faire l’aller-retour juste pour aller écouter un concert dans la belle salle à l’extraordinaire acoustique .


Mais je m’égare. Excusez-moi, c’est la musique. Ca me fait toujours ça.

J’en étais aux petites places, ouvertures sur la pause. Choix du bistrot, un détail emportant la décision (des tables moins sophistiquées que d’autres, par exemple). Dans cet espace qui s’offre, ouvrir un temps pour la rêverie, pour le regard qui flâne, en quête de luciole, en quête de rien, en quête de repos.

Je pense aux signes de respiration de la musique. Il y a les pauses justement, les demi-pauses. Il y a aussi  les soupirs, les demi soupirs ; c’est beau, non ? Il y a même les quarts de soupirs, les huitièmes de soupirs, les seizièmes de soupirs. Il y en a vraiment pour tous les goûts, toutes les occasions.
Mais je m’égare à nouveau.

Quoique, je file ma métaphore de la case vide du pousse-pousse….

Il m’arrive de l’oublier, celle-là . En cas d’alerte, de manque de respiration, je me rappelle Barcelone, la place, le bistrot, la rêverie, le rien, le repos.

Je m’éclipse sur la pointe des pieds, vous laissant à votre rien, votre repos, vos flâneries de l’âme. Excusez-moi si je vous ai un peu dérangés…