Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

25 juin 2012

LE MERLE MOQUEUR ?

Françoise Tomeno
25 juin 2012

Il entre dans le bistrot en chantonnant. Je ne l’avais encore jamais vu. Entre soixante et soixante dix ans, la nonchalance du retraité qui, s’il est loin de rouler sur l’or, a de quoi subsister, et venir en sifflotant boire son café au bistrot de bon matin.
Ce qu’il chante ? « Cerisier rose et Pommier blanc », une chanson d’André Claveau.

Le temps est bien grisaillant aujourd’hui, pas le moindre petit brin de soleil. Alors les cerisiers roses et les  pommiers blancs !...

Je me prends à penser à cette belle phrase de Jacques Prévert: « Soyons heureux, ne serait-ce que pour l’exemple ». Elle m’est souvent précieuse, et les jours de grisaille, il  arrive qu’elle vienne à mon secours. Michel, maraîcher chez qui j’achète toujours mes légumes, à qui je demandais samedi matin si ça allait, m'a dit, sur un ton mi-figue mi-raisin: « Ca va, ça va, mais on va dire, comme Jean Louis Trintignant, «Essayons d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ». J’en étais toute émue. Ce point là commun avec Michel, chouette. J’avais été très touchée que Jean-Louis Trintignant cite cette petite phrase lors de la proclamation des résultats du festival de Cannes 2012. Il avait utilisé une formule plus prudente que la mienne, et sans doute plus réaliste.

Notre homme chantonnant s’est installé au fond du bistrot, il lit le journal. Il continue d’apporter son brin de soleil au bistrot bien sombre aujourd’hui, il sifflote.

Je pense alors à une autre chanson, que j’ai tant aimé chanter sur les marchés, « Le temps des cerises ». Cet homme serait-il l’oiseau moqueur ? Viendrait-il là nous rappeler qu’en effet, la vie est faite de petits bonheurs, parfois, et plus rarement, de grands bonheurs, de quelques malheurs aussi, et qu’il faut essayer de rester les yeux grand ouverts sur le monde, à guetter le moindre brin de soleil, celui qui vient, par exemple, de là où on ne l’attendait pas ?

Lucioles de la vie, vous avez parfois bien du mal à nous faire oublier les ombres. Mais il peut arriver qu’un oiseau moqueur vienne nous secouer les puces.