Estaminet Tomeno Mercier

Estaminet Tomeno Mercier

14 décembre 2012

Madame, Monsieur, lumière d'automne

Françoise Tomeno
13 décembre 2012

Aujourd'hui, elle arrive la première. Elle est toute belle avec son manteau de fourrure (fausse, pour les âmes sensibles!), et sa toque de fourrure également. Elle se tient bien droite, bien qu'elle ait une canne à la main. Elle est souriante, elle a l'air en forme. Elle porte toujours un foulard, mais ce jour, il est à dominante rouge vif, joyeux.

Bien sûr, je me lève dès que je la vois pour aller la saluer. Je lui tends la main. "Bonjour, vous allez bien?" - "Bonjour", me répond-elle, "Hum, j'ai mal au dos...". Elle ne s'éternise pas sur la question et enchaîne tout de suite: "Cela fait un moment que je ne vous ai pas vue.... je vous embrasse". Et nous nous embrassons, je remballe ma main.... "Ah, ça fait tout.....",  elle ne termine pas sa phrase. À la place des mots qui manquent, elle se tapote les joues. Ca lui fait plaisir, c'est ça que ça lui fait. Mais ce petit geste sur ses joues qu'elle tapote! Ca lui fait tout chose, à Madame? Peut-être la douceur de ces joues qui s'embrassent? Peut-être un peu des effluves de  parfum qui se croisent? Ou plutôt un certain indéfinissable qui se joue des mots? Elle ajoute: "Vous voyez, j'ai une canne. C'est celle de mon mari; il cherche une place pour la voiture. Il a un macaron de handicapé, mais les places réservées étaient déjà prises". 

Vous me touchez, Madame. Cette pudeur, cette élégance que vous avez en évoquant avec discrétion le plaisir des retrouvailles.

Madame va alors s'asseoir et attend Monsieur.

Peu après, Monsieur arrive, toujours un peu plus courbé par l'âge au fur et à mesure des jours qui passent. Je me lève à nouveau. Nous nous saluons, en nous serrant la main. "Ca va?" Peut-être n'a-t-il pas très bien entendu, il hésite une seconde. "Vous avez vu? Je suis beau? Je me suis fait coiffer ce matin".

Vous aussi, Monsieur, vous me touchez. Cette coquetterie que vous affichez, sûr de vous, tout boitillant que vous êtes.

Vous rejoignez Madame.

En repartant, vous me saluerez discrètement. Madame prendra le temps de me souhaiter bon courage après m'avoir demandé si je travaillais.

J'ai été ravie de vous revoir, Madame, Monsieur.