Estaminet Tomeno Mercier

29 janvier 2013
22 janvier 2013
Le parti pris d'Edgar
Françoise Tomeno
22 janvier 2012
Si vous le voulez bien, nous l'appellerons Edgar.
La première fois que j'ai vu son nom, c'était sur le côté du comptoir. Des inscriptions à la craie se promenaient sur le bois, en forme d'hommages à Edgar. Inscriptions toutes plus touchantes les unes que les autres. On comprenait à les lire qu'Edgar était parti boire ses coups ailleurs, qu'il ne reviendrait pas les boire ici avec ses potes qui lui écrivaient.
Parti, Edgar.
Je me disais que je l'avais peut-être vu, depuis le temps que je fréquente le bistrot. Mais je ne connais pas les noms de tout le monde. Qui était donc Edgar?
Un peu plus d'une semaine plus tard, en allant payer au comptoir, je vois, affichées sur le mur, deux découpes de journaux, avec chacune une photo. Je me dis qu'il doit s'agir d'Edgar. Et puis les photos.... Il me semble le reconnaître, Edgar. Je m'approche: oui, c'est bien lui. Bien sûr, que je le connais. Et comment!
Un jour que j'arrivais avec, à la main, le numéro spécial de l'Humanité sur la Commune de Paris, Edgar était là, comme souvent, avec des potes, en train de parler. Il aimait ça, Edgar, parler. Mais il avait l'oeil, Edgar, vif, perspicace. Il me voit arriver, regarde, et dit simplement: "Vous aussi?"
Un jour que j'arrivais avec, à la main, le numéro spécial de l'Humanité sur la Commune de Paris, Edgar était là, comme souvent, avec des potes, en train de parler. Il aimait ça, Edgar, parler. Mais il avait l'oeil, Edgar, vif, perspicace. Il me voit arriver, regarde, et dit simplement: "Vous aussi?"
Moi aussi, j'avais l'Humanité sous le bras.
C'était le journal de son Parti. Il avait le coeur à gauche toute. Sûr que je ne lui arrivais pas à la cheville avec mon numéro spécial.
Il avait pris le Parti, Edgar. Il le portait haut et fort, jovialement. Il avait pris le Parti de l'Humanité.
Aujourd'hui, c'est lui qui est parti.
Boire ses coups avec l'Humanité.
Comment ça va, c'matin?
Françoise Tomeno
22 janvier 2012
- "Comment ça va, c'matin?". C'est comme ça qu'il dit, depuis quelque temps, depuis qu'on a fait connaissance.
- "Ca va, et vous?"
- "Ca va comme c'est mené".
- "?"
- "?"
- "Comme c'est mené, avec les pieds....".
Ca alors! En effet, par ces temps de neige et de verglas, il vaut mieux se fier à ses pieds qu'aux roues de la voiture.
Ca alors! En effet, par ces temps de neige et de verglas, il vaut mieux se fier à ses pieds qu'aux roues de la voiture.
Mais quand-même, quelle expression du tonnerre de dieu.
19 janvier 2013
12 janvier 2013
Le temps qu'il va faire
Françoise Tomeno
14 janvier 2013
Il a l'air de passer faire son petit tour tous les matins. Il démarre à la bière, direct.
Je le vois souvent faire la manche au coin de la place. Pourtant, non seulement il est toujours habillé très proprement, mais il porte des vêtements en excellent état, quasi neufs. Que fait-il au coin de la place? Cherche-t-il simplement à échanger quelques paroles? Il n'en est pas avare, de paroles. Ni dehors, ni dedans. Chaque fois que je le croise à son poste dans la rue, il échange quelques mots avec l'un ou l'autre, qu'on lui donne de l'argent ou pas.
Ce matin, il vient me saluer, il tend la main: "Ca va? Ca s'est bien passé?". Je comprends par la suite qu'il veut parler de la période des fêtes. Parce que lui, il a été malade, la gastro, vous comprenez. Ca, il ne supporte pas. Les autres petits soucis de santé comme le rhume, ça peut aller.
Il me parle alors du temps; le froid sec, ça lui va, pas la pluie. Ca va aller mieux dans les jours qui viennent, on annonce un froid sec et un temps ensoleillé.
Un temps à pouvoir rester dehors à faire la manche et à parler avec l'un ou avec l'autre, sans doute.
Ce matin, il vient me saluer, il tend la main: "Ca va? Ca s'est bien passé?". Je comprends par la suite qu'il veut parler de la période des fêtes. Parce que lui, il a été malade, la gastro, vous comprenez. Ca, il ne supporte pas. Les autres petits soucis de santé comme le rhume, ça peut aller.
Il me parle alors du temps; le froid sec, ça lui va, pas la pluie. Ca va aller mieux dans les jours qui viennent, on annonce un froid sec et un temps ensoleillé.
Un temps à pouvoir rester dehors à faire la manche et à parler avec l'un ou avec l'autre, sans doute.
06 janvier 2013
Miscellanées régalantes (lisez d'abord ....)
Françoise Tomeno
6 janvier 2013
J'ai été obligée de prendre des notes... Il se passait trop de choses en si peu de temps.
D'abord, Lulu avait froid, ça n'allait pas, elle était de mauvais poil. Très courtoise avec moi cependant, elle m'a souhaité la bonne année, surtout la santé. J'en ai bien sûr fait autant. Mais voilà que Joséphine, une habituée des bistrots du quartier, a entrepris de me faire la conversation. Elle avait dû commencer tôt au bistrot, Joséphine, elle avait la bouche qui manquait d'habileté. Elle n'avait pas du boire que des cafés. Elle s'était maquillée avec du brillant, ou bien c'était un reste des fêtes qui ne voulait pas savoir que c'était passé. C'était réparti à la va comme je te pousse la vie, sur son visage, les brillants. De son oeil gauche, il en pleurait une grande larme. C'est peut-être pour ça qu'elle n'avait pas bu que du café, Joséphine.
Mais voilà que Lulu s'en va au comptoir, et me fait des moues évocatrices en jetant un coup d'oeil à Joséphine. Pas fiable, Joséphine, semble me dire Lulu. Euh... Un peu jalouse, Lulu?
Toujours est-il que lorsque Joséphine, dans ses brumes, est venue à plusieurs reprises souhaiter des bonnes choses à Lulu, bon appétit, bonne journée, celle-ci l'a envoyée balader.
Joséphine, elle m'a d'abord entrepris sur son sommeil. Elle avait fait un horrible cauchemar. Damned, me voilà bien, écouter les rêves de Joséphine, qui plus est un cauchemar, dans un bistrot! Je sais bien que c'est mon métier, d'écouter les rêves, tous les rêves, y compris les cauchemars. Mais pas quand je viens déguster les huîtres préparées par Roger. Je fais une oreille mi sourde, mi pas sourde, compatissante au mieux. Joséphine se replonge dans un petit carnet tout en fredonnant. À un moment, elle se lève, me tend un livre: "Tenez, je vous l'offre. Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est pour vous". Moi: "!!!!!......????? Merci, mais pourquoi????". Elle: " Parce que je vous vois, et parce que vous le méritez".
Ca alors! Je n'en reviens pas... Hum... Joséphine ne sait pas ce que c'est. Serait-ce un livre qu'on lui aurait offert, et dont elle n'a pas l'usage? Ce sont des choses qui arrivent. Autant en faire profiter les autres, au fond.
Mais c'est quoi, ce bouquin? Il a pour titre "Les miscellanées de Mr Schott". Les miscellanées. J'avais déjà croisé ce mot une fois ou l'autre, je ne m'étais pas attardée, mais je ne savais pas très bien ce que cela voulait dire. Cette fois, il faut que j'interroge mon fidèle ami le Grand Robert. Ce sont des mélanges, les miscellanées, du latin "miscellanea", choses mêlées. À l'intérieur de la jaquette, on peut lire: "Les miscellanées de Mr Schott sont une collection de petits riens essentiels". Mais comment elle savait ça, Joséphine, que c'est une des choses qui me passionnent dans la vie, les petits riens essentiels? Elle ne serait pas un peu sorcière?
Un peu plus tard encore, me voyant prendre des notes: "Vous me faites penser à une correspondante de guerre". À nouveau: "!!!!!". Je lui dis que je ne sais pas si j'aurais eu le courage de cette position-là. Elle me raconte alors que la maman de sa marraine a été correspondante de guerre en Turquie (sic!) pendant la deuxième guerre mondiale. je suis en pleine rêverie. Encore un peu plus tard: "Vous êtes psychologue?". Alors là, je n'ai plus de doutes: c'est une sorcière. Une bonne sorcière, ceci-dit, elle ne me veut pas de mal.
Pendant ce temps-là, Sabrina, la patronne, donne ses étrennes à chacun: "Un p'tit briquet lumineux, ou un p'tit rocher en chocolat". Moi, je ne fume pas, mais vrai, je vais le regretter: les briquets sont de toutes les couleurs, pétantes. Certes, j'aurais pu en prendre un qui m'aurait servi de lampe de poche, ou que j'aurais pu donner à quelqu'un, comme Joséphine m'a donné son livre. Mais voilà, mon vieil atavisme suisse l'a emporté côté chocolat. Certes, ce n'était pas les Ragusa fabriqués dans mon cher Jura suisse. Mais c'était avant tout du chocolat, et ça, ça ne se discute pas.
Sabrina propose les étrennes à un monsieur qui vient souvent déjeuner ici. Il a une façon de parler toujours très précieuse, et il semble s'excuser de tout, il a toujours peur de déranger, y compris lorsqu'il commande. Sabrina lui annonce qu'aujourd'hui, Roger, le patron, a fait, de ses propres mains, une galette des rois. Le Monsieur qui est toujours content de tout, se réjouit: "C'est régalant". Je me dis que je vais en parler au Grand Robert, de ce mot, et qu'à tous les coups il va me répondre par un silence poli. Que nenni! Ca existe bien "régalant". Ca veut bien dire ce que ça veut dire. Seul commentaire du Grand Robert: "Vieilli et familier". Bon, j'en aurai appris des choses aujourd'hui: "miscellanées", "régalant". Au fond, j'aime les miscellannées parce qu'elles sont régalantes....!
Et vous croyez que c'est fini?
Même pas! Parce que ce jour-là, il y a également dans le bistrot un personnage intriguant. Il s'appuie sur une canne blanche. Donc normalement, il ne devrait pas voir très bien du tout et peut-être même être aveugle. De loin, il m'avise, et me souhaite la bonne année. Certes, j'ai appris par mon métier que certaines personnes très malvoyantes voyaient très nettement dans un tout petit espace au centre de la vision. Mais notre homme semble suivre des yeux tout, précisément.
Encore un mystère de ce jour.....
01 janvier 2013
Je suis allée chez Jojo, c'était ouvert, enfin non, fermé, enfin...
Le matin, nous faisons un petit tour du quartier et nous passons devant "le Vieux Belleville", autrement nommé "Chez Jojo". C'est cette fois-ci encore fermé, peut-être trop tôt, peut-être n'ouvre-t-il pas le lundi.
L'après-midi, je refais un tour du quartier. Je dois aller à la librairie "Le genre urbain", c'est à deux pas de chez Jojo. Il paraît qu'ils ont le calendrier de chez Plonk et Replonk, et les cartes postales des mêmes Plonk et Replonk. Vous ne connaissez pas? Allez faire un tour ici http://www.plonkreplonk.ch/..... Depuis que je les ai rencontrés, Plonk et Replonk, je ne m'en suis pas remise. Et passer une année sans leur calendrier, c'est carrément impossible.
J'arrive à nouveau devant le Vieux Belleville. Les grands volets de bois qu'on installe devant la devanture sont toujours là, mais la porte est ouverte. Il ouvre, Jojo? Ce jour serait un jour béni des dieux? Il va jouer de l'accordéon?
J'aperçois une femme accoudée au bar, deux hommes sont dans le bistrot, en plus de Jojo qui trône derrière le comptoir. Il n'est pas du tout comme je l'imaginais, Jojo. Grand, élancé, la classe. On se fait de ces idées toutes faites, des fois. Suffit d'entendre le mot accordéon, et Jojo doit ressembler à Benard Lubat!
Bon, je me glisse par la porte: "C'est ouvert? Je peux entrer?"
"Ah non, c'est fermé, désolé!"
"Bon, ce n'est pas grave, à une prochaine fois".
Alors en fait, c'était ouvert, mais fermé; ou fermé, mais ouvert; enfin... c'est comme on veut.
En tout cas, j'ai vu Jojo, et je reviendrai.
Du Lapin Agile à la Halle Saint Pierre, passer par la case "Chat Noir".
C'est le matin, le Lapin Agile est fermé. Émotion cependant, il est au croisement de la rue des Saules et de la rue Saint Vincent. Le Chat Noir s'annonce, par la chanson de Bruant. La petite Rose, qu'était si belle, "qui sentait bon la fleur nouvelle". "A rentrait par la rue des saules", "a vivait chez sa vieille aïeule, rue Saint Vincent....".
Nous sommes déjà dans l'ambiance, Rose nous fait un bout de chemin. J'ai la chanson dans la tête.
Musée de Montmartre, l'exposition autour du Chat Noir. On y entend Yvette Guilbert chanter le Fiacre, mes lèvres se mettent en route sans me demander mon avis, la chanson me démange. je fredonne un peu, pas fort.
Musée de Montmartre, l'exposition autour du Chat Noir. On y entend Yvette Guilbert chanter le Fiacre, mes lèvres se mettent en route sans me demander mon avis, la chanson me démange. je fredonne un peu, pas fort.
Et voici les pièces de zinc du Théâtre d'ombres d'Henri Rivière, la grande fresque du Parce Domine d'Adolphe Willette, des affiches de Steinlen, de Rivière, des portraits du patron, Rodolphe Salis, des caricatures d'Émile Goudeau....
Le café du Chat Noir, le café des cafés, le cabaret des cabarets. Visite réjouissante.
En sortant, il nous faut nous restaurer, l'après-midi est déjà bien entamée. Sortir de ce bistrot allusif du Chat Noir pour entrer dans une crêperie de Montmartre, le choc est rude... Les crêpes ne sont pas bonnes, le service se fait à la chaîne. Le serveur et la serveuse sont, eux, très méritants, aimables, souriants et patients.
Nous ne nous attarderons pas. La Halle Saint Pierre est tout près, j'ai le souvenir que la cafétéria est sympathique. Et puis il y a là une exposition que j'ai très envie de voir, "I banditi dell'arte": la Halle expose des oeuvres d'artistes italiens en dehors du système culturel et institutionnel, artistes ayant connu l'internement psychiatrique ou le monde carcéral.
La cafétéria sera à la hauteur du souvenir, l'expo à la hauteur de l'attente. nous terminerons par une nouvelle petite pause à la cafétéria. Si ce lieu ne peut être vraiment comparé au Chat Noir, à sa fantaisie, son exhubérance, sa créativité, il y a là cependant quelque chose de commun. Les expositions y poursuivent "la recherche et la réflexion sur les formes insolites et hors normes de la création contemporaine", annonce la Halle.
Nous ne nous attarderons pas. La Halle Saint Pierre est tout près, j'ai le souvenir que la cafétéria est sympathique. Et puis il y a là une exposition que j'ai très envie de voir, "I banditi dell'arte": la Halle expose des oeuvres d'artistes italiens en dehors du système culturel et institutionnel, artistes ayant connu l'internement psychiatrique ou le monde carcéral.
La cafétéria sera à la hauteur du souvenir, l'expo à la hauteur de l'attente. nous terminerons par une nouvelle petite pause à la cafétéria. Si ce lieu ne peut être vraiment comparé au Chat Noir, à sa fantaisie, son exhubérance, sa créativité, il y a là cependant quelque chose de commun. Les expositions y poursuivent "la recherche et la réflexion sur les formes insolites et hors normes de la création contemporaine", annonce la Halle.
La cafétéria, elle, glisse
ses ramifications jusque dans une bibliothèque dite éphémère, elle même donnant
accès à l'exposition. Autre siècle, autre originalité, même créativité.
Il a fait bon faire la pause à la Halle Saint Pierre après être
repassée par le Chat Noir.
Celui-là il est pas beau
Ce jour-là, elle n'a pas trop le temps. Elle s'affaire, on se salue de loin.
Je m'installe à une table. Lorsqu'elle vient prendre la commande, on prend tout de même le temps de s'adresser les saluts dont nous avons l'usage, c'est rapide, mais chaleureux.
J'ai commandé un petit crème. Lorsqu'elle l'apporte, toujours en coup de vent, elle annonce: "Il est pas beau, celui-là, je vous l'offre!"
!!!!!!!! Un crème est un crème, je n'ai jamais réfléchi à sa beauté. je ne trouve pas celui-ci très moche, et il a bien le goût de d'habitude.
Coquetterie de langage pour servir de prétexte au cadeau?
Élégance, pudeur?
Merci, chère amie.
29 décembre 2012
La dame aux p'tits légumes
C'est moi. C'est moi, la dame aux p'tits légumes.
J'ai d'abord été "la dame". C'est Sabrina qui m'appelait comme ça quand elle allait passer la commande en cuisine, auprès de Roger, le patron, et néanmoins son mari.
Et puis un jour, Roger, il a proposé "Huîtres à toute heure avec un verre de Chardonnay". Là, c'en était trop, j'ai changé mes habitudes. C'est à dire que j'en ai pris d'autres, parce que les huîtres, elles sont passées direct dans mes habitudes. Le verre de Chardonnay aussi, dans mes habitudes et dans mon gosier.
Du coup, je ne prenais plus de plat principal, comme on dit, et je me suis permis de demander si je pouvais avoir juste des légumes. Roger, ça lui a plu, et il s'est mis à composer des assiettes de légumes de plus en plus garnies, et belles à souhait. Il soignait l'art et la manière, Roger.
Peu à peu, on est devenus plus familiers les uns avec les autres. Je disais juste "Comme d'hab'", et avec Sabrina on riait. Elle s'est mise à changer sa formule en cuisine: "Et pour la dame aux p'tits légumes, comme d'habitude, des huîtres et une assiette de p'tits légumes" (pour le dessert, on voyait ça à la fin, je peux vous dire que l'île flottante de Roger, c'en est une vraie, presque aussi bonne que celle que faisait ma maman, c'est vous dire...).
Un jour, Sabrina me fait la confidence suivante: "L'autre jour, on ne vous voyait pas arriver, Roger se demandait, et moi aussi. Mais vous êtes venue....".
Touchée, que je suis. Roger avait déjà du composer dans sa tête l'assiette de p'tits légumes.
Sabrina s'éloigne vers son territoire, le comptoir, se retourne, et me dit avec un immense sourire, et d'une voix que j'étais seule à pouvoir entendre: "C'est qu'on prend aussi nos habitudes....".
Désormais, je préviens lorsque je ne peux pas venir comme d'habitude....
28 décembre 2012
L'anniversaire à Delphine
Ce jour-là, je me suis à peine installée chez Delphine qu'elle arrive avec un verre rempli d'une boisson de très belle couleur, chaude, abricot. "C'est mon anniversaire" dit-elle; je m'apprête à me lever et à lui faire la bise, elle voit mon mouvement; "J'ai un an...". Ca m'arrête net. Elle rit. Ce sont les un an de l'ouverture du bistrot nouvelle formule et Delphine offre à tous les clients un coktail de son invention, délicieux.
Peu après arrive un jeune couple avec une toute petite fille dans les bras, la petite Nina, qui doit avoir à quelque chose près l'âge du bistrot de Delphine. Ils s'installent à la table juste à côté de la mienne. Le bistrot est plein. Arrive JB, un familier et ami de Delphine. Mince, plus de place. Qu'à cela ne tienne, la table de la petite famille est grande (la mienne toute petite..), Delphine les invite à partager leur petit bout de territoire avec JB. Affaire conclue.
Je n'écoute pas vraiment, je saisis tout juste des bribes de conversation. JB parle de ses petits enfants, ça cause des petits soucis du sommeil, de celui des enfants, des parents. Je quitte un peu leurs échanges. Et puis j'ai l'oreille attirée, musique oblige, lorsque j'entends prononcer le nom d'Erik Satie. Ca, je le connais, celui-là, j'ai eu plaisir à le chanter, et lors de fêtes ici ou là, il m'arrive de chanter "Le Petit René", "Madame Eustache" et toutes ses petites filles, "Le petit garçon trop bien portant", ou bien "L'Omnibus automobile". Les parents de Nina racontent la naissance de celle-ci, en musique. C'est la maman qui avait choisi les Gymnopédies de Satie. L'occasion pour moi d'échanger quelques mots avec la tablée d'à côté.
Belle petite Nina, vous avez eu une belle entrée dans la vie. Aujourd'hui, jour des un an du bistrot de Delphine, c'est un peu comme si nous célébrions aussi votre naissance.
Sur un air de Jacques Brel
Nous sommes peu de temps avant la Noëlle. Je suis déjà passée au bistrot ce matin, avant ma ballade, j'ai vu Lulu. Échange de quelques mots au-delà des salutations désormais d'usage. On parle de la fête prochaine. Je lui dis que, pour moi, ce sera tranquille, un petit échantillon de la famille autour de ma très vieille maman, qui fatigue si nous sommes trop nombreux. Et je m'enquiers de ce que sera cette soirée-là pour elle, en ayant bien l'idée qu'elle sera probablement seule. C'est ce qu'elle me confirme, à la nuance près qu'elle sera avec Justine, sa petite chienne à la couverture rouge. "Ca doit être un peu dur...", que je lui dis, à Lulu. Oui, ça le sera, un peu.
Elle repart avant moi. "Je vais chercher ma Justine" dit-elle à voix très basse, sans s'adresser à quelqu'un de particulier.
Lorsque je reviens, il y a une assemblée d'hommes au comptoir, comme souvent. Lulu n'est pas encore revenue. L'un des hommes, Paul, demande: "Vous avez vu Lulu? Vous savez si elle vient manger?". Il semble inquiet pour elle, se préoccuper de la solitude de Lulu en cette période de l'année. Les autres participent à cette préoccupation, on s'interroge: "Va-t-elle venir?".
Mais oui, aujourd'hui, elle vient déjeuner, comme souvent. Je le sais, je lui ai dit "À tout à l'heure", elle a souri d'un sourire entendu, et a esquissé un "oui" balbutié. Sottement, je n'ose pas le dire, qu'elle va être là tout à l'heure.
Enfin la voilà. Elle rentre discrètement par la porte de côté de chez Roger et Sabrina. Elle ne croise pas les galants hommes. Elle installe d'abord "ma pupuce", puis s'assied. L'un des hommes: "Lulu, y a Paul qui s'inquiétait et se demandait si vous veniez aujourd'hui". Je ne me souviens pas de ce qu'elle a répondu, mais je me souviens qu'elle était touchée, et toujours discrète dans la manifestation de cette émotion. On a ses élégances.
Je pense à la chanson de Jacques Brel "Non, Jeff, t'es pas tout seul". Et vous, Lulu, vous n'êtes pas non plus tout à fait toute seule, on se préoccupe de vous.
Et autrement....
Un jour, au moment où je quitte le bistrot et le salue:
" Bonne petite ballade".
Ca alors! Il a repéré que lorsque je venais au bistrot, c'est que je faisais ma petite ballade le long du fleuve.
Un autre jour, il arrive alors que je suis déjà installée. Il s'approche:
"Et autrement, ça va?".
Je resterai longtemps à méditer cette jolie formule. "Et autrement...". Cela suppose que cette petite phrase ait été précédée d'une conversation sur un sujet qui ne comportait pas la fameuse question: "Ca va?", et qui signale qu'on y passe. Je serai tellement absorbée dans mes pensées que je ne repérerai même pas si, ce jour-là, il a bu son verre de rosé ou un verre de blanc.
Sacré Léon. C'est chaque jour "autrement", avec vous.
16 décembre 2012
Ca y est, j'ai retrouvé
Ca y est, j'ai retrouvé.
C'est:
"Avec Maurice, avec Maurice,
C'est un plaisir de danser la java
Avec Maurice, avec Maurice,
Pour l'accordéon il est un peu là..."
Vous voyez qu'il y avait un accordéon.
Vous ne comprenez rien?
C'est que vous n'avez pas encore lu la chronique précédente. Vous avez des excuses, je l'ai mise en ligne il y a moins d'une heure.
Vous verrez, j'avais un trou de mémoire. Comme d'habitude, ça revient d'un coup, comme une évidence. Là, c'est en faisant cuire les endives que c'est revenu. On ne décide pas ces choses là...
Vous verrez, j'avais un trou de mémoire. Comme d'habitude, ça revient d'un coup, comme une évidence. Là, c'est en faisant cuire les endives que c'est revenu. On ne décide pas ces choses là...
Ben mon Léon...
Françoise Tomeno
16 décembre 2012
Bon, ça fait un moment que je ne vous ai pas parlé de Léon.
16 décembre 2012
Bon, ça fait un moment que je ne vous ai pas parlé de Léon.
Nous en étions à ce salut discret, mais bien présent.
Une ou deux semaines plus tard, damned, Lulu est de mauvais poil, susceptible, et prend très mal qu'une dame lui demande comment elle va. Par bonheur, je lui ai juste dit "Bonjour Madame", je l'ai échappé belle. Quant à Léon, il ne m'a pas vue entrer, pas levé le nez de son verre de rosé autour duquel il est toujours aussi enroulé. Mauvaise journée....
Re une ou deux semaines plus tard, il y a un monde fou dans ce bistrot. Je ne peux pas m'installer dans mon secteur habituel et je dois me replier, avec délices cependant, près de la baie vitrée, là où il y a la lumière et les bouquins. Oui, le frigo du Livr'échange n'est plus là, il a pris la poudre d'escampette. J'ai ma petite idée là-dessus, il va falloir qu'un jour je vous en parle. Et puis ça permettra à celles et ceux qui ne suivent pas, qui ont raté les épisodes précédents, de se remettre à niveau.
Mais pour le moment, c'est mon Léon qui est au centre de mon récit. Il est déjà là lorsque j'arrive, notre petit salut discret, tout est en ordre.
Sur l'étagère aux bouquins, je vise un très grand et gros livre, à la belle couverture cartonnée, avec une illustration en son milieu. Des personnages façon années trente/quarante. Je feuillette, il y est question de scoutisme. Les jeunes gens portent des pantalons à la Tintin, culotte de golf, les jeunes femmes ont la coupe à la garçonne. Rien que du beau monde bien convenable, assis sur des canapés bien à distance. Ca sent la proche demande en mariage de la demoiselle à son cher papa, et les fiançailles.
Je ris toute seule, avec discrétion bien sûr. Quand, soudain, je vois approcher une ombre courbée et décidée: mon Léon! Ca alors! Qui vient s'intéresser au livre. "Un beau livre!". Il tâte, feuillette. Je commente en disant que je n'ai pas trouvé la date de l'édition, Léon se met à chercher, trouve pas non plus. Encore quelques mots, puis il s'en va.
Mais ça n'est pas fini. Encore un peu de temps plus tard, j'arrive au bistrot après Léon, il est sur le chemin qui mène à ma place. Il lève le nez, me tend la main, et me dit "Ca va?". Eh! J'en fais autant, ma foi! Ca va, pour Léon, avec le temps, vous savez, le temps qu'il fait, des fois grisailles, mais aujourd'hui c'est soleil, il dit que c'est bien, Léon. Et puis aujourd'hui il boit du blanc. C'est peut-être à cause du soleil et du p'tit blanc qu'il est plus engageant?
Lors de ma ballade au bord du fleuve, me viendra tout naturellement une chanson que je chantais autrefois sur les marchés (Il y en a qui ne suivent pas? Encore? Ca n'est pas les mêmes que tout à l'heure. Va aussi falloir que je fasse une leçon de rattrapage?), mais je change un prénom, et ça donne "Avec Léon, avec Léon, c'est un plaisir de danser la java, avec Léon, avec Léon, ...." et là je bute sur la suite. Pas moyen de retrouver. Faudra que je fasse une descente à la cave, je devrais retrouver ça dans un carton (Oui, y a aussi du blanc, à la cave, pas de rosé, mais je ne bois jamais quand je chante!).
Enfin, le principal, c'est que je réalise que je danserais bien la java avec Léon, au son de l'accordéon, comme dans la chanson, Léon.
Dans la chanson, c'est Maurice: "Avec Maurice, avec Maurice, c'est un plaisir de danser la java..."
Avec Léon, avec Maurice, avec qui veut, je danserais bien la java.
Sauf que je sais pas danser.
Je crois que ça n'a pas d'importance... mazette!
15 décembre 2012
On va rire, madame K
Françoise Tomeno
15 décembre 2012
Elle est de mauvaise humeur, aujourd'hui, madame K. Entre la tristesse et le désabusement. Allez, j'ai terminé mon travail pour ce soir, j'ai amené un roman, je peux attendre pour le lire. Causons causons, chère madame K.
Au cours de notre conversation, il me semble voir qu'elle ne porte pas la bague brillante qui est pour elle la trace d'un bel amour.
"Vous n'avez pas mis votre belle bague?"
"Si, me dit-elle, tournant un anneau qu'elle porte à l'annulaire gauche". Et la bague apparaît.
"J'ai maigri, elle tourne".
Elle a maigri? Nous voilà parties en direction des fourneaux...
"Vous ne mangez pas beaucoup?"
Quand c'est ce genre de questions, elle borborygme des sons entre ronchonneries et sourire retenu du plaisir qu'elle a à ce que l'on se préoccupe un peu d'elle.
"Vous vous faites à manger, au moins?"
Nouveaux borborygmes, et nouvelles ronchonneries.
"Oh, je crois que je vais venir vous faire de la popote!".
Elle éclate de rire, moi aussi.
Je suis heureuse, chère madame K, j'ai réussi à vous faire rire un peu.
Mais nous n'en restons pas là. En filles, après avoir parlé cuisine, nous voilà du côté des chapeaux, de pluie en particulier, c'est de saison....
"J'ai un chapeau, mais je ne le mets pas" me dit-elle.
"Dommage".
Nous poursuivons notre petite route conversationnelle sur d'autres sujets.
Soudain, comme elle est, avec une certaine brusquerie: "Vous partez dans combien de temps?". Je le lui dis. Elle se lève, me donne son sac et ses gants: "Je reviens, je vous confie ça".
Blurp, je n'ai pas eu le temps de dire ouf....
Mais où va-elle donc?
Elle revient un bon quart d'heure plus tard, avec... son chapeau de pluie sur la tête, recouvert par la capuche de son imperméable. Elle dévoile "the" chapeau, toute riante. Et nous voilà examinant le chapeau, c'est du cuir, peut-être, peut-être pas.
Plaisir tout simple des fanfreluches de filles, rires.
Décidément, je vous aime bien, madame K......
14 décembre 2012
Madame, Monsieur, lumière d'automne
Françoise Tomeno
13 décembre 2012
Aujourd'hui, elle arrive la première. Elle est toute belle avec son manteau de fourrure (fausse, pour les âmes sensibles!), et sa toque de fourrure également. Elle se tient bien droite, bien qu'elle ait une canne à la main. Elle est souriante, elle a l'air en forme. Elle porte toujours un foulard, mais ce jour, il est à dominante rouge vif, joyeux.
Bien sûr, je me lève dès que je la vois pour aller la saluer. Je lui tends la main. "Bonjour, vous allez bien?" - "Bonjour", me répond-elle, "Hum, j'ai mal au dos...". Elle ne s'éternise pas sur la question et enchaîne tout de suite: "Cela fait un moment que je ne vous ai pas vue.... je vous embrasse". Et nous nous embrassons, je remballe ma main.... "Ah, ça fait tout.....", elle ne termine pas sa phrase. À la place des mots qui manquent, elle se tapote les joues. Ca lui fait plaisir, c'est ça que ça lui fait. Mais ce petit geste sur ses joues qu'elle tapote! Ca lui fait tout chose, à Madame? Peut-être la douceur de ces joues qui s'embrassent? Peut-être un peu des effluves de parfum qui se croisent? Ou plutôt un certain indéfinissable qui se joue des mots? Elle ajoute: "Vous voyez, j'ai une canne. C'est celle de mon mari; il cherche une place pour la voiture. Il a un macaron de handicapé, mais les places réservées étaient déjà prises".
Vous me touchez, Madame. Cette pudeur, cette élégance que vous avez en évoquant avec discrétion le plaisir des retrouvailles.
Madame va alors s'asseoir et attend Monsieur.
Peu après, Monsieur arrive, toujours un peu plus courbé par l'âge au fur et à mesure des jours qui passent. Je me lève à nouveau. Nous nous saluons, en nous serrant la main. "Ca va?" Peut-être n'a-t-il pas très bien entendu, il hésite une seconde. "Vous avez vu? Je suis beau? Je me suis fait coiffer ce matin".
Vous aussi, Monsieur, vous me touchez. Cette coquetterie que vous affichez, sûr de vous, tout boitillant que vous êtes.
Vous rejoignez Madame.
En repartant, vous me saluerez discrètement. Madame prendra le temps de me souhaiter bon courage après m'avoir demandé si je travaillais.
J'ai été ravie de vous revoir, Madame, Monsieur.
12 décembre 2012
La patate au gingembre
Françoise Tomeno
12 décembre 2012
Lorsque nous nous apercevons, nos deux bras droits se lèvent, son bras gauche est bien occupé par le plateau qui supporte les tasses qu'elle est en train de desservir, le mien par mes sacs. Et nous nous embrassons "comme du bon pain" (je n'ai jamais compris d'où venait cette expression, mais je la trouve jolie).
12 décembre 2012
Lorsque nous nous apercevons, nos deux bras droits se lèvent, son bras gauche est bien occupé par le plateau qui supporte les tasses qu'elle est en train de desservir, le mien par mes sacs. Et nous nous embrassons "comme du bon pain" (je n'ai jamais compris d'où venait cette expression, mais je la trouve jolie).
Le dialogue est toujours bref. Elle travaille et n'a pas beaucoup de temps, encore qu'elle fasse suffisamment attention aux personnes qu'elle sert pour en prendre un peu, du temps. Et puis, point n'est besoin de tonnes de paroles pour prendre des nouvelles de nos petites météos personnelles.
"Ca va?"
"Ca va. Et vous?"
"Ca va, j'ai la patate", me dit-elle. "Je fais une cure de gingembre".
Damned, une cure de gingembre, qui donne la frite, la patate, quoi.
Elle repasse près de ma table: "Je vais vous donner la recette".
Ce qui fut fait. Mais ma mémoire n'a pas tout retenu. Du citron pressé, mais je ne sais pas combien, quarante grammes de gingembre frais râpé. Et puis le reste, je ne sais pas, je ne sais plus.
Mais je crois que chacun peut inventer à sa guise... Du moment qu'il y le gingembre pour la patate.
Ne pas abuser cependant....
Cappuccino dry
Françoise Tomeno
12 décembre 2012
Dans un des bistrots que je fréquente, un des serveurs, Michel, me fait une petite faveur. Le crème déborde d'une mousse de lait onctueuse, et il met par dessus un petit peu de chocolat en poudre.
12 décembre 2012
Dans un des bistrots que je fréquente, un des serveurs, Michel, me fait une petite faveur. Le crème déborde d'une mousse de lait onctueuse, et il met par dessus un petit peu de chocolat en poudre.
C'est comme le canada dry: ça a l'apparence du cappuccino, ça a le goût du cappuccino, et ça n'est pas un cappuccino. Juste un peu de moins de mousse, juste un peu moins de chocolat.
Mais c'est une faveur,
mais c'est un cadeau...
Merci, Michel.
Chouchou au bistrot
Françoise Tomeno
12 décembre 2012
Il y a du monde cet après-midi. Je n'ai trouvé qu'une place à un petite table. J'essaie de contenir tout mon bazar, livre, feuilles pour noter, réparties en plusieurs tas, crayon, stylo. Je me concentre et sur le fait d'essayer que rien ne tombe, et sur la tâche elle-même. Je prépare l'accueil d'une amie qui vient présenter très prochainement un de ses ouvrages dans le cadre d'un séminaire, et j'ai à coeur de faire ça bien.
12 décembre 2012
Il y a du monde cet après-midi. Je n'ai trouvé qu'une place à un petite table. J'essaie de contenir tout mon bazar, livre, feuilles pour noter, réparties en plusieurs tas, crayon, stylo. Je me concentre et sur le fait d'essayer que rien ne tombe, et sur la tâche elle-même. Je prépare l'accueil d'une amie qui vient présenter très prochainement un de ses ouvrages dans le cadre d'un séminaire, et j'ai à coeur de faire ça bien.
À un moment de ma concentration, j'aperçois sur le côté, tout en bas, une chose courte sur pattes, à poils longs blancs et noirs. C'est Chouchou. Au moment même, il fait connaissance avec une autre chose à pattes, un peu plus petite que lui, toute blanche, à poils longs également. J'ignore le nom de cette petite chose, personne ne se souciant de faire les présentations. Mais cela n'empêche pas nos deux amis de faire connaissance.
Chouchou n'est pas seul. Il est suivi de sa patronne, une dame assez ronde, avec un bonnet rose. La dame est morose: "Il y en a du monde", dit-elle, "je n'aime pas ça". Heu, alors, il vaut peut-être mieux ne pas venir au bistrot?
Bon, cela ne me regarde pas, au fond.
La dame au chapeau rose finit par trouver une place comme la mienne, toute petite aussi. Chouchou n'est pas en laisse, contrairement à la petite chose. Madame au chapeau rose l'appelle, il traînasse un peu dans le coin de sa copine. "Allez viens, Chouchou, viens".
Et voilà que mon chouchou obtempère sur le champ. Bien docile, mon chouchou....
09 décembre 2012
Au Duroc
Françoise Tomeno
9 décembre 2012
Pause au Duroc après la journée de travail. Nous sommes trois collègues, trois amies.
9 décembre 2012
Pause au Duroc après la journée de travail. Nous sommes trois collègues, trois amies.
Cette association nous offre cette belle qualité d'amitié, d'affection. Dans nos discussions de travail, de l'estime, de l'attention, du désaccord animé, de l'humour, de la tendresse. On croit rêver, c'est si rare dans les groupes.
Papotage de filles, la météo des âmes.
Agnès part la première, son train est gare du Nord. J'ai failli ne pas voir le temps passer et rater le mien. Heureusement, Evelyne veillait.
Nous allons payer au comptoir. Je me suis bien couverte, il fait froid, j'ai mis mon bibi qui fait un effet années 20.
Un couple est assis au comptoir. L'homme regarde mon chapeau: "Vous avez un beau chapeau!...". Je ris: "Je l'ai acheté au marché".
"Au marché Raspail?", demande la femme, qui doit être du quartier.`"Non, au marché chez moi, là où j'habite".
"Vous devez l'avoir acheté très récemment, vous avez l'air si contente de le porter".
Bingo, je l'ai acheté il y a trois jours.
Entre filles, on sait ces choses-là?
Je donne ma part d'argent à Evelyne, je ne m'attarde pas, mon train ne va pas m'attendre. Bien emmitouflée et surmontée de mon bibi rouge et noir, je file.
Si ce bibi fait rêver les gens, eh bien tant mieux, un peu de gaieté, ça ne fait pas de mal.
06 décembre 2012
4 psys au Chien Jaune
Françoise Tomeno
6 décembre 2012
Cathy repart samedi pour St Pierre et Miquelon. Elle est native de là-bas, travaille là-bas. Cette année, comme les années précédents, elle a pu obtenir des formations sur le continent, et en profite pour rencontrer des collègues.
6 décembre 2012
Cathy repart samedi pour St Pierre et Miquelon. Elle est native de là-bas, travaille là-bas. Cette année, comme les années précédents, elle a pu obtenir des formations sur le continent, et en profite pour rencontrer des collègues.
Et ce soir, grâce à elle, nous nous retrouvons pour dîner au Chien jaune, nous quatre, collègues et amis, Cathy, Marie-Claude, Pascal et moi-même. Nous avons partagé par le passé des moments de travail riches, lors de réunions qui avaient lieu une fois par mois.
Autour de la table hexagonale (octogonale?), sur le lieu de travail de Pascal, nous nous retrouvions à une petite dizaine autour d'un café qu'il nous préparait, avec cette attention qui le caractérise. Nous commencions la réunion, tout en attendant le coup de fil de Cathy qui nous appelait depuis ses îles. Là-bas, c'était l'après-midi, chez nous c'était après le dîner. Ah ces étonnantes réunions, avec Cathy au bout du fil, participant à la réflexion et aux discussions parfois fort animées. Tout cela n'était pas exempt d'humour.
Ce soir, la table est rectangulaire, le décor genre vieux bistrot début XXème. Notre amitié nous trouve dans la fantaisie, l'invention, le rire. Ca fuse.
Nous parlons de ce travail passé, de l'évolution des services, mais aussi de certains de nos patients, petits ou grands, qui ont parfois l'art de nous bousculer, avec tendresse, humour.
Nous parlons de ce travail passé, de l'évolution des services, mais aussi de certains de nos patients, petits ou grands, qui ont parfois l'art de nous bousculer, avec tendresse, humour.
Et puis nous évoquons le fait que nous n'allons pas nous revoir tous les 4 avant peut-être un an, lorsque Cathy reviendra. Et dans ce bistrot où nous sommes bien, où la cuisine est excellente, nous voilà débordant d'imagination loufoque, inventant des colloques à Saint Pierre ou Miquelon, colloques aux titres les plus improbables. Bien sûr, le Comité Scientifique et d'organisation, c'est nous, nous serons aussi les intervenants et le public. Le programme se promène entre sérieux et décalé.
Faudrait trouver un sponsor; on va lui vendre le mot "communication", en ce moment ça marche, même si ça ne veut pas dire grand chose de précis.
Nos éclats de rire se propagent dans le bistrot. Nous frisons le fou-rire, nous le laissons éclater.
Faudrait trouver un sponsor; on va lui vendre le mot "communication", en ce moment ça marche, même si ça ne veut pas dire grand chose de précis.
Nos éclats de rire se propagent dans le bistrot. Nous frisons le fou-rire, nous le laissons éclater.
Autour de nous, chacun, chacune, poursuit sa conversation, sans se soucier de notre bonne humeur et de notre fantaisie. C'est bien ainsi. C'est une des vertus des bistrots de permettre que se poursuivent des vies parallèles.
Il est tard, chacun doit retourner "à la maison". Nos rires se transforment en émotion lorsqu'il faut dire au-revoir à Cathy. Nous restons gais cependant, même si un peu de gravité s'est glissée entre nous.
Ce bistrot ne le saura jamais, mais il a permis qu'ait lieu cette belle rencontre, au cours de laquelle notre fantaisie est allée puiser sa loufoquerie dans les capacités d'inventions de l'enfance.
Merci, Cathy.....
Ce bistrot ne le saura jamais, mais il a permis qu'ait lieu cette belle rencontre, au cours de laquelle notre fantaisie est allée puiser sa loufoquerie dans les capacités d'inventions de l'enfance.
Merci, Cathy.....
Le culot de Madame K
Françoise Tomeno
6 décembre 2012
Je ne l'avais pas revue depuis un bon moment. Je pensais même qu'elle était partie en vacances. Je bouquine. Elle entre dans le bistrot, je m'attends à ce qu'elle jette un coup d'oeil dans ma direction, comme elle le fait toujours. Elle n'a pas même un regard. Elle se dirige vers l'arrière du bistrot, où elle ne va jamais. Je m'étonne, mais ne me manifeste pas, je ne reste pas longtemps aujourd'hui. Je lui ferai signe lorsque j'irai prendre mon manteau.
Le moment venu, je me dirige vers le porte-manteau à l'entrée, et là je la vois. Elle s'est installée à côté de Didier, un habitué qu'elle connaît. Celui-ci semble avoir du mal à maintenir le cap de son activité sur son ordinateur. C'est qu'elle est bavarde, Madame K, lorsqu'elle s'y met.
Je m'approche, sourires réciproques.
-"Ca fait longtemps que je ne vous avais pas vue... Vous étiez en vacances?"
-"Non.... j'y pars bientôt.
................
Je vous ai manqué?"
-"Euh... oui.... je me faisais même du souci"
Elle est radieuse comme jamais!
Elle m'a soufflée par son beau culot.
Oui, Madame K, vous m'avez manqué, même si parfois vous ne mesurez pas bien les limites. Lorsque, par exemple, je voudrais bien, pendant un petite pause, lire un peu, ou travailler. Si c'est du travail, j'arrive à vous dire "On parle un quart d'heure, après, j'ai du boulot". Alors, à la fin de notre temps de bavardage, lorsque je dis que je reprends mon travail, vous filez sans même le temps d'un au-revoir. Cependant, cette façon de partir sans laisser l'adresse d'un sourire, ne signifie pas que vous êtes fâchée. C'est simplement que vous êtes déjà ailleurs, sur la terrasse par exemple, en train de fumer votre clope. La fois suivante, vous aurez toujours ce même sourire heureux de nos retrouvailles.
Si c'est un roman que j'ai emporté à lire au bistrot, alors là, j'ai du mal à vous refuser la conversation. Je n'ai plus ce prétexte noble du travail. C'est là que nous menons nos plus longues conversations, au cours desquelles, par petites touches, vous livrez quelques bribes de souvenirs, quelques allusions à la dureté de la vie. Presque toujours, nous arrivons à rire, malgré tout.
03 décembre 2012
Casquette ou pas casquette?
Françoise Tomeno
3 décembre 2012
Cette fois, je ne me suis pas égarée jusqu'à aller m'asseoir à la place de Lulu, qui est aussi celle de Léon lorsque Lulu n'est pas là.
Lulu arrive la première. Elle s'installe à sa table. Léon la suit de près, la place est prise, il se dirige vers sa position de repli. L'un et l'autre me saluent. Oui, Léon me salue, et ça, c'est nouveau. Aujourd'hui, il me salue même vraiment, et avec le sourire, s'il vous plaît, Madame. Il est installé juste devant moi. Je vois son dos, à Léon. Ce dos courbé.
Cela faisait deux trois fois que je croisais Léon à ma sortie du bistrot, lui, il y arrivait pour prendre son rosé du matin. On ne se saluait pas, il ne me voyait pas, Léon, courbé parfois sur une canne, ou sur rien, la casquette enfoncée jusqu'aux yeux.
Un jour pas comme les autres, c'est lui qui sortait alors que j'arrivais. Surprise: je vois un haut de casquette se lever doucement, suivi de près par deux yeux, et j'entends un timide bonjour, à peine perceptible. J'en suis toute émue, et je réponds avec la même discrétion, la casquette en moins. Pourtant, des casquettes, j'en ai porté, lorsque j'étais chanteuse de rues, et dans un spectacle Alfred Jarry dans lequel j'incarnais, dans la chanson du décervelage, un ouvrier ébéniste bien trempé.
Quelques jours plus tard, Léon est déjà installé lorsque j'arrive. Même mouvement de casquette, d'yeux, même timide bonjour, même réponse de ma part. Cette fois-ci encore je suis touchée.
Alors, comme ça, Lulu et Léon m'ont accueillie chez eux. Non pas que je ne me sente pas chez moi dans le bistrot. Mais ils ont une bonne longueur d'avance sur moi dans leur fréquentation de ce lieu. Alors leur bonjour, ça me fait craquer.
Maintenant que je suis des leurs, dois-je remettre une casquette? Parce que, vous savez, Lulu, depuis qu'il s'est mis à faire mauvais, comme on dit, elle porte aussi une casquette. Ca protège bien, les casquettes. La casquette à Lulu, elle ressemble à s'y méprendre à celle que je portais sur les marchés. Celle-ci, elle a pris les mites, j'ai du m'en débarrasser. Celle de l'ouvrier ébéniste, je l'ai toujours, une belle casquette en velours noir, velours façon compagnon du Tour de France. Certes, je chante à nouveau, mais je ne chante plus dans les rues (dommage d'ailleurs...), je chante, je travaille Brahms. Vous voyez un peu, Brahms en casquette?
Et puis, ma "communauté" avec eux, c'est pas obligé que ça se voit, ils n'en sauront jamais rien. Mais dans mon FI, comme dirait Fred Vargas (j'aime beaucoup Fred Vargas), mon For Intérieur, je le saurai, et ça suffira bien.
27 novembre 2012
Ballet de dames
Françoise Tomeno
27 novembre 2012
Allez savoir pourquoi! Ce matin là, je m'installe à la table, et même à la place qu'occupe d'habitude Lulu. J'y pense bien un peu en le faisant, mais bon, elle n'est pas réservée, cette table. Et puis Lulu n'est pas là. Et puis je l'aime bien cette table, avec sa petite nappe blanche à pois verts, ou l'inverse, verte à pois blancs. Je ne sais plus très bien, il faudra que je regarde mieux la prochaine fois.
Je suis obligée de sortir, on m'appelle pour ma maman, qui vieillit encore un peu plus, est perdue dans la vie, devient un peu tyrannique, exigeante.
Ca dure un moment, je ne vois pas Lulu arriver. Lorsque je rentre dans le bistrot, Lulu a pris sa place, ma place, enfin la place que je lui avais prise. Surprise, qu'est-ce que je fais? Il y a mes affaires sur la table, mon petit crème, un journal, un bouquin. Mon sac est assis à la place à côté de Lulu, la place du chien de Lulu, de la chienne à vrai dire, Justine, la p'tite, pupuce. Je fais quoi, moi? Ben,... en premier, je m'excuse: "Excusez moi, j'ai pris votre place". "Ca ne fait rien, vous pouvez rester" me dit Lulu. Alors je m'installe à la place de pupuce. Sans la petite couverture polaire rouge que Lulu enroule d'habitude autour de Justine si précautionneusement. J'ai de la chance, ma pupuce n'est pas là aujourd'hui, ça simplifie la réflexion.
Je suis juste un peu gênée. Lulu aussi visiblement. C'est qu'on ne se connaît pas beaucoup. Tout de même, se retrouver toutes les deux à la même table alors qu'il y a plein de places dans le bistrot, c'est quand même bizarre, non? Lulu se lève, et va chercher son café au comptoir. Je ne l'avais jamais vu faire ainsi. Moi, j'ai commandé un autre crème, histoire d'avoir une contenance auprès de Lulu. Lulu revient s'asseoir, c'est moi qui me lève pour aller chercher mon crème. Je me demande si nous allons passer le moment à nous croiser ainsi.
Mais non, Lulu engage la conversation: "Fait humide". "Oui, et il y a du vent. Je n'aime pas quand je dois prendre la route et qu'il y a du vent". "Oui, surtout sur la levée de la Loire". Je précise alors que je vais travailler dans le Loir et Cher.
Lulu:"Vous restez où?".
Je suis toute chose. Cela fait des années que je n'ai plus entendu cette expression "vous restez" pour dire "vous habitez". Je cherche où j'ai entendu ça. Il y a longtemps, je ne sais plus.
Je lui explique où j'habite, que j'ai la chance d'avoir une très belle vue sur une rivière. Et je lui retourne la question: "Et vous, vous habitez où?" "Sur l'île", me dit-elle fièrement. Veinarde, Lulu. Je rêve d'habiter sur cette île, fausse île, depuis des lustres. Surtout dans la grande maison qui a un balcon en bois face à la Loire. Veinarde, Lulu.
C'est l'heure pour moi de partir. Je laisse Lulu récupérer son espace, sa table, sa place, l'intruse s'en va. Mais Lulu ne ne me tiendra pas rigueur de mon audace.
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